4 – La République démocratisée

publié le 19/01/2024

 

Garder la Vème République ? Oui, à condition de la réformer en profondeur pour associer enfin le peuple à la conduite de ses affaires

D.R

La profonde crise que traverse la démocratie française ne saurait être résolue par le simple jeu d’un amendement constitutionnel, même si celui-ci est nécessaire. C’est une refonte d’ensemble qui doit être mise en œuvre. Telle est l’idée qui gouverne le plan de réforme prévue par le Programme fondamental (1).

La crise en question peut de résumer en une phrase, écrit Patrick Vieu : « les citoyens ont le sentiment qu’ils ne pèsent plus sur le cours des événements ». Elle se double d’un deuxième élément, qui peut contredire le premier : le citoyen pense que, dans cet exercice, les gouvernants ne pèsent guère plus lourd. En un mot, ils ont le sentiment qu’ils n’ont pas de prise sur leurs représentants, mais que ceux-ci n’ont pas de prise sur le réel. Diable ! On comprend qu’il y faille des réformes profondes et bien ajustées.

Il ne paraît pas opportun de se débarrasser de la constitution de la Ve République comme d’un vieux costume. Le retour aux errements de la IVe aggraverait à coup sûr l’impuissance publique sans pour autant donner plus de pouvoir aux citoyens, qui délègueraient entièrement aux partis la désignation des gouvernants. La Vème doit être réformée, démocratisée, non remplacée par un régime strictement parlementaire.   

Il faut, en revanche, sortir de la monarchie présidentielle, qui confie à un seul homme l’essentiel du pouvoir exécutif. La première réforme consiste donc à rééquilibrer notre architecture constitutionnelle. Dans cet esprit, réforme fondamentale, le Premier ministre ne serait plus désigné par le président, mais par l’Assemblée nationale, et s’appuierait sur un vote de confiance préalable. Ce mécanisme nouveau favoriserait la formation de coalitions majoritaires unies par un programme commun négociées en début de mandat. Le mode d’élection des députés serait parallèlement modifié en y injectant une dose de proportionnelle, de manière à mieux représenter le spectre politique. Pour éviter tout émiettement, on y adjoindrait un mécanisme majoritaire de manière à garantir la cohérence et la continuité dans la conduite du pays.

Il s’agit ensuite de permettre aux citoyens de peser sur les affaires publiques en permanence et pas seulement de manière intermittente, au moment des scrutins nationaux. D’où l’instauration d’une « démocratie continue » conforme aux aspirations qui ne cessent de s’exprimer lors des mouvements sociaux. Celle-ci s’exprimera au niveau local, dans la gestion des communes et des régions, par la mise en place de procédures nouvelles de participation, notamment dans le domaine environnemental.

Mais elle vaudra aussi au niveau national : il s’agit de réhabiliter le droit de pétition, en obligeant les assemblées à examiner dans un délai de trois mois toute proposition ayant recueilli un nombre significatif de signatures ; il s’agit aussi de faciliter le recours au référendum d’initiative partagée, dont le seuil de déclenchement, beaucoup trop élevé aujourd’hui, serait abaissé au vingtième du corps électoral (environ 2 millions de suffrages). Les conventions citoyennes, moyen utile et efficace d’associer les citoyens aux décisions, verraient enfin leurs propositions transmises directement au Parlement, sans filtre de l’exécutif.

À cette démocratie « continue » doit s’ajouter un effort décisif de décentralisation du pouvoir, dans le cadre d’un « pacte girondin » négocié entre l’État et les collectivités territoriales. Les régions, les départements et les métropoles doivent disposer d’une latitude beaucoup plus large pour adapter les politiques nationales aux réalités locales. Elles doivent aussi retrouver une autonomie fiscale que les réformes récentes ont réduite comme peau de chagrin.

Ainsi s’ouvrirait un nouveau chapitre dans l’histoire contrastée de la Vème République, qui a démontré en 80 ans d’existence sa souplesse et sa capacité d’adaptation à des situations très différentes. Tout en conservant l’élection du président de la République au suffrage universel, droit essentiel du citoyen, elle serait radicalement démocratisée et décentralisée, sous le signe du compromis politique et de l’instauration de majorités à la fois stables et plus représentatives, où le citoyen serait enfin associé au jour le jour aux décisions qui le concernent. 

  • Le Pouvoir d’Agir, construire la démocratie social-écologique. VA Éditions.