5 – Les minorités dans la République

publié le 20/01/2024

C’est par un universalisme renouvelé, et non par son abandon, que la gauche sociale-démocrate entend lutter vigoureusement contre les discriminations de toutes sortes

D.R

Pour lutter contre les discriminations, pour reconnaître les justes revendications des minorités, pour assurer l’égalité femmes-hommes, faut-il rejeter l’universalisme ? Certainement pas. Telle est la conviction qui anime les rédacteurs du Pouvoir d’Agir. Les principes républicains ont, par le passé couvert l’entreprise coloniale, justifié toutes sortes d’injustices, présidé au maintien de situations intolérables. Mais ce n’était pas en vertu de leur application, mais en raison de leur négation, en raison de leur déni. C’est d’ailleurs en s’en réclamant que beaucoup de peuples colonisés ont lutté pour leur indépendance.

Il s’agit désormais de les appliquer sans réserve, sans exclusion, sans faux-semblant, ce qui suppose un effort nouveau, volontaire et continu. Ceux qui les rejettent au nom d’un relativisme dangereux doivent être combattus. Mais d’autres, issus des courants féministes, intersectionnels, multiculturalistes, régionalistes ou postcoloniaux, prennent les Lumières au mot pour souligner les échecs d’un universalisme surplombant, aveugle aux différences. Ceux-là doivent être écoutés. Citons le texte du Pouvoir d’Agir : « Il faut entendre des critiques et faire droit aux aspirations légitimes à la reconnaissance, sans renoncer à l’ambition universaliste », de manière à réaliser « l’égalité pour de vrai »

Ainsi les principes républicains, si souvent cités de manière abstraite et lointaine, prendront une acception concrète et contemporaine. Il en va ainsi du droit des femmes. « L’exigence d’égalité en matière de salaires et de carrière, la juste dénonciation des féminicides, l’exigence de dignité et de réparations incarnée par le mouvement Metoo, la réfutation des stéréotypes de genre, la réévaluation du rôle des femmes dans l’histoire ou dans la culture sont autant de luttes et de réformes qu’une gauche rationnelle doit soutenir ». Point n’est besoin de souscrire pour cela aux conceptions radicales de certaines théoriciennes qui tendent à nier toute influence des réalités biologiques sur le comportement des individus, sujet sur lequel la science ne donne aucune certitude établie.

L’exigence d’égalité y suffit si elle est poussée dans toutes ses conséquences. Il en va de même pour la lutte contre l’homophobie et les discriminations envers les LGBTQI+. La gauche a étendu les droits des homosexuels, instauré le « mariage pour tous ». Très logiquement, elle entend aussi les nouvelles demandes de dignité et d’égalité qui émanent de ces minorités.

Elle le fait tout autant pour les minorités culturelles ou ethniques, qui ont droit à la reconnaissance de leur mémoire, qui ne peuvent plus admettre la persistance de préjugés hérités de la période coloniale. Il reste beaucoup à faire pour assurer l’égalité dans l’accès à l’éducation, au logement, au métier, pour lever les barrières, visibles ou invisibles, qui enferment ces Français dans une assignation sociale et économique.

Ce n’est pas souscrire aux conceptions racialistes parfois mises en avant dans certains cercles militants, que de prévoir une action spécifique, concrète, ciblée, destinée à hâter la marche vers l’égalité. C’est au contraire défendre un universalisme efficace, pratique, en le faisant descendre du ciel des principes pour animer la lutte immédiate, ici et maintenant, contre les discriminations.

Il en va de même, enfin, de la préservation de la laïcité, qui n’a besoin d’aucun adjectif, ni laïcité « apaisée », ni laïcité « de combat ». Autant il faut lutter sans faiblesse contre toutes les tentatives de remise en cause, notamment celles qui émanent des milieux intégristes musulmans, autant il faut rappeler que la laïcité est un principe précieux pour les religions, qui assure la liberté de conscience et de culte, qui garantit la neutralité religieuse de l’État – d’où l’interdiction des signes religieux dans les services publics et à l’école – mais qui n’a pas pour but d’imposer la laïcisation de la société.

Celle-ci reste libre de souscrire à telle ou telle école spirituelle et de le manifester dans l’espace commun, sous réserve de ne pas porter atteinte à l’ordre public. Ainsi la République, en appliquant ses principes aux réalités sociales d’aujourd’hui, retrouvera sa vocation, qui suppose non l’immobilité des conceptions, mais la réforme continue, dans le sens de l’égalité et de la justice.