À Fontainebleau, on crie « Vive l’Empereur ! »
Le 20 avril 1814, Napoléon faisait ses adieux à son armée. Deux siècles plus tard, une foule d’admirateurs reconstitue la scène…
Sur la pelouse du parc, juste derrière le château, les bivouacs sont installés. Spectacle ! les sapeurs et leur grand tablier blanc, bonnet de fourrure sur la tête, discutent avec des hussards ou artilleurs. Autour d’une grande table, entre les rangées de tentes blanches, sont attablés des généraux en grand uniforme. Le maréchal Davout, le fidèle mamelouk de l’empereur, des cantinières servent le déjeuner ; on fume la pipe, on boit de la bière, on montre ses décorations, conquises sur les champs de bataille d’Austerlitz ou d’Iéna, on astique les fusils. À cheval passe un grand officier. Plus loin, sous une tente, un officier recruteur fait passer des tests physiques à des candidats prêts à servir dans l’armée de Napoléon : on se presse pour en être.
Le 20 avril 1814, l’empereur Napoléon Ier abdiquait et faisait ses adieux à son armée, dans la cour d’honneur du château de Fontainebleau. Un tableau célèbre de Vernet a immortalisé cette scène. C’est un grand moment de l’épopée napoléonienne. Le week-end dernier, deux cent vingt ans plus tard, 300 personnes se sont réunies à Fontainebleau pour reconstituer la scène.
Qui sont-ils, tous ces visiteurs ? Beaucoup de jeunes de la ville, de la région, de Paris et leurs parents. Le château est ouvert à tous. On visite par la même occasion les appartements, habités par tous les souverains de France depuis François Ier. Dans la salle des colonnes, Talleyrand, Caulaincourt et le tsar Alexandre Ier négocient âprement, devant un public attentif, l’abdication de celui qui a conquis et fait trembler l’Europe. Mais le moment fort de cette grande reconstitution, c’est la scène des adieux.
La porte du château s’ouvre, un aide de camp, en grand uniforme, apparait. Il annonce Sa Majesté l’empereur : celui-ci s’avance lentement, soulève son fameux chapeau et salue la foule et sa garde, ses régiments, plumets rouges sur leurs bonnets noirs, rassemblés au pied de l’escalier. Derrière lui s’avancent ses maréchaux, les tambours résonnent.
Lentement, il descend l’escalier par la gauche, s’arrête au milieu, et s’adresse aux représentants de la grande armée : « Soldats de ma vieille garde, je vous fais mes adieux .Depuis vingt ans, je vous ai trouvés constamment sur le chemin de l’honneur et de la gloire… ».Fascinée par la scène, la foule le regarde descendre les escaliers et embrasser le drapeau français, auréolé de sa gloire…
Les soldats pleurent. Lui monte dans une calèche et emprunte l’allée principale du château, autour de laquelle se sont rassemblés des spectateurs, certains amusés, d’autres enthousiastes qui reprennent à tue-tête le même cri. Il s’en va. Les cinéphiles du monde entier le reverront à Cannes en ouverture du Festival, lors de la projection de la version restaurée du chef-d’œuvre d’Abel Gance, « Napoléon ». Imaginez la croisette qui se prendrait à crier, « Vive l’Empereur ! »…