À force d’attaquer les politiques…

par Laurent Joffrin |  publié le 03/07/2023

 

L’attentat de l’Haÿ-les-Roses n’est pas une exception, mais un aboutissement

Laurent Joffrin

La tentative d’assassinat perpétrée contre la famille du maire de l’Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, a suscité une indignation unanime. C’est la moindre des choses. Mais peut-on s’arrêter là ? Oui, si l’on tient cet acte abject pour un fait aussi extraordinaire que scandaleux. Non, si l’on comprend enfin qu’il s’agit de la pointe extrême d’un phénomène profond, souvent alimenté par ceux-là mêmes qui versent sur le sort de cet élu des larmes de crocodile.

Il faut le dire crûment : depuis une ou deux décennies, la classe politique est devenue le paillasson sur lequel tout ce qui s’exprime publiquement en France s’essuie les pieds avec application. Ce qui crée une atmosphère…

Dans les médias – commençons par balayer devant notre porte – la vie politique est le plus souvent réduite à un jeu d’ambitions personnelles, fait de cynisme, de trahisons et de manœuvres médiocres et subalternes. Ces guerres d’ego existent, il faut bien en parler, dira-t-on. Certes.

Mais croit-on que l’action des élus ou des gouvernants se ramène, vraiment et seulement, à des calculs tactiques ? Les parlementaires font les lois et les ministres pilotent l’action de l’État. Ces actions sont-elles traitées à leur juste mesure ?

À force de les occulter ou de les rapetisser, les citoyens finissent par croire qu’un homme politique est, par définition, payé à ne rien faire, sinon à intriguer contre ses concurrents.

Nul ne conteste aux chroniqueurs satiriques le droit de faire rire comme bon leur semble. Mais tout se passe comme si une inspiration défaillante les incitait à dénigrer, d’abord et avant tout, les dirigeants des partis et ceux du gouvernement. Quand on n’a pas grand-chose à dire, on se moque des politiques.

C’est le conformisme du temps, mais aussi le confort : sauf à passer pour des fâcheux, les intéressés ne peuvent rien dire, sinon rire jaune avec le public. Et comme on les tourne en dérision sans que jamais personne ne réplique, ils finissent, à leur corps défendant, par ne susciter qu’une seule chose : le mépris.

Les politiques eux-mêmes ne sont pas en reste : venues en général des extrêmes, les attaques les plus médiocres, les plus basses ou les plus violentes sont lancées contre l’adversaire.

On accuse la gauche de brader le pays, de détruire la France, la droite de nourrir en permanence des desseins dictatoriaux, le centre de ne rien faire, ou bien d’être une simple marionnette des puissances financières, ou encore de se laisser manipuler par « l’État profond ». Toutes choses outrancières, soufflées, mais répétées en boucle, qui finissent par convaincre l’électeur d’un élu, par définition, conspire au malheur du peuple.

Si bien que des esprits moins informés, shootés aux réseaux sociaux, entretenus dans la haine des politiques, mus par le ressentiment qu’on leur inculque, en viennent à nourrir contre ces pelés, ces galeux, des projets tout simplement criminels. On s’indigne ainsi de réactions qu’on a préparées de longue main.

Laurent Joffrin