À l’école, les raisons de la violence

par Boris Enet |  publié le 07/06/2024

Les agressions contre les chefs d’établissement se multiplient, nourries par le discours de groupes terroristes ou identitaires

POOL via REUTERS

Il y a deux mois, le chef d’établissement du lycée Maurice Ravel à Paris quittait ses fonctions sous protection policière. Il était menacé de mort pour avoir exigé d’une élève de BTS qu’elle retire son voile. Justifiant cette décision, Bruno Bobkiewicz, secrétaire du Snpden-Unsa, qui syndicalise encore la moitié des quelques 15 000 chefs d’établissements et adjoints du pays, expliquait : « Toute la laïcité, rien que la laïcité ».

Le 15 mars, la principale de collège de Chenôve, prés de Dijon, déjoue une agression au couteau d’un élève de 15 ans. Le 3 mai, le parquet de Lyon ouvre une enquête à la suite des menaces de mort à l’encontre du proviseur du lycée Ampère relayée sur les réseaux sociaux. Le conflit au Proche-Orient est la toile de fond de cette menace. Instagram sert à nouveau de vecteur à des menaces de mort tout en relayant la propagande des brigades Al-Qassam, branche armée du Hamas. Interpellés, deux jeunes gens plaident la simple provocation, dénonçant au passage d’imaginaires relations avec « les établissements scolaires de Tel-Aviv ».

À quelques encablures du Mémorial national de la prison de Montluc, prison lyonnaise où fut incarcéré et torturé Jean Moulin, deux jeunes appréhendés illustrent les trois périls de l’époque : la révision de l’Histoire, dont la propagande totalitaire islamiste, les plateformes sans contrôle et le passage à l’acte sous forme de violences verbale ou physique contre les garants de l’école publique.  À l’heure où les affiches de Raphaël Glucksmann sont méthodiquement maquillées de croix gammées dans plusieurs villes du pays, parallèlement à un antisémitisme à nouveau décomplexé, la jeunesse scolarisée reste une cible de choix.

La « force de sécurité mobile» bien maigrelette déployée par la ministre de l’Éducation nationale ne saurait venir à bout du fléau, seule, sans s’attaquer aux racines du mal.

La réaction des pouvoirs publics est désormais à la hauteur en termes de protection des personnels, ce qu’elle ne fut pas toujours le cas. Mais la République doit désormais contrôler Tik Tok, Ten Ten, Insta. Elle doit réaffirmer l’éducation et la laïcité comme valeurs de combat pour qu’elles jouent leur rôle de digue démocratique en déployant un vaste programme de formation de tous ses personnels. C’est aussi à ce prix que les démocraties l’emportent sur les dictatures. À condition de ne plus tarder.

Boris Enet