Venezuela: Maduro joue avec le feu

par Emmanuel Tugny |  publié le 05/12/2023

Nicolàs Maduro veut envahir le Guyana voisin. Une bouffée délirante de nationalisme qu’il justifie par l’histoire. Surprise, le territoire de l’Essequibo est.. bourré de pétrole

Un membre des milices bolivariennes monte la garde dans un bureau de vote lors d'un référendum consultatif sur la souveraineté vénézuélienne sur la région de l'Essequibo contrôlée par le Guyana voisin, à Caracas, le 3 décembre 2023- Photo Pedro RANCES MATTEY / AFP

Dimanche dernier, Nicolas Maduro, président du Venezuela, a organisé un référendum sur l’annexion par son pays des deux-tiers du Guyana voisin qui compte 750 000 habitants et une armée de tout juste 5000 hommes. Cette consultation lui a apporté un soutien massif, 95% de « oui ». Pourquoi tout d’un coup, ce chef d’État se mettrait à jouer les Poutine ? Plusieurs raisons peuvent le pousser à cette aventure.

Le Venezuela bolivarien s’affranchit de l’Espagne en 1811. Il comprend alors les 159 500 km2 du « Territorio Esequibo » peuplé d’Amérindiens, aujourd’hui revendiqué par Caracas. Mais, le Royaume-Uni, son voisin oriental, à qui les Néerlandais ont cédé une partie de leur domaine guyanais en 1814, s’empare du territoire négligé par les Vénézuéliens, en 1840. Ce faisant, La Guyane britannique triple sa superficie. Ses frontières incluent le Territorio. Le Venezuela en appelle aux USA. Mais, sous l’influence occulte des Britanniques, la commission internationale réunie en 1899 à Paris confirme l’appartenance du Territorio à la Guyane.

En 1963, le Venezuela, pressentant l’indépendance de son voisin, acquise en 1966, réitère ses revendications. Le 7 février 1966 à Genève, un accord est signé, qui prévoit le règlement du conflit à échéance de quatre ans. En 1970, les négociations en échec sont prolongées de douze ans. En 1982, Caracas s’en remet alors à l’ONU, saisie en 2006. En 2007 et en 2019, condamné par le Groupe de Lima, organisation constituée de pays latino- américains hostiles au chavisme ( idéologie de Hugo Chavez, ex-président) , le Venezuela lance de vaines escarmouches dans le Territorio.

En désespoir de cause, Nicolas Maduro a donc organisé ce dimanche un référendum d’ailleurs contesté par le Guyana devant la Cour internationale de Justice de La Haye…

Pur délire nationaliste ? Certainement pas. En 2015, le Territorio a révélé d’immenses réserves de gaz et des gisements d’un pétrole de meilleure qualité que celui du Venezuela. Ils rivalisent en volume avec ceux du Koweït ! Leur exploitation atteignait 300 000 barils/jour en 2022 et vise 800 000 barils/jour en 2025. Le petit Guyana sera alors producteur de 1% du pétrole mondial.

Cependant, le succès du référendum ne doit pas masquer l’importance de l’abstention. Son taux n’a pas été publié par les autorités vénézuéliennes. L’opposition qui n’entend rien concéder avant l’élection présidentielle de 2024 multiplie les réserves. Pas question pour elle, de s’aliéner les États-Unis. ExxonMobil est le principal investisseur au Guyana. Ni de contrarier le Groupe de Lima, afin de ne pas voir se perpétuer l’isolement géopolitique du Venezuela.. Maduro semble vouloir détourner l’attention des gigantesques problèmes économiques qui assaillent son pays. Osera-t-il envahir le Territorio ?

À Georgetown, la capitale du Guyana, on se rassure en déployant une intense activité diplomatique. Le Brésil voisin a d’ailleurs massé des troupes à la frontière du Venezuela : une évidente manœuvre de dissuasion.

Emmanuel Tugny

Journaliste étranger et diplomatie