Adèle Haenel : de Polanski à Trotski
Fidèle à ses convictions, l’actrice a décidé de quitter le monde du cinéma. Mais quelles convictions, au juste ?
Voilà au moins une actrice cohérente avec ses principes : considérant que le milieu du cinéma contribue à « un ordre mortifère, écocide et raciste », Adèle Haenel a décidé de mettre fin à une carrière brillante.
Outre son grand talent, elle avait déjà gagné la notoriété en dénonçant avec éclat la remise d’un prix à Roman Polanski, le metteur en scène poursuivi par la justice américaine , malgré l’arrangement qu’il avait conclu avec la victime , pour un viol sur mineure dans les années 1970.
Certes, ses propos ne sont pas toujours des plus nuancés : ainsi, parlant de l’équipe d’Elisabeth Borne, elle affirme que « ce gouvernement est en soi composé de violeurs, ce qui est déjà mauvais signe (…) On dirait même que c’est un critère de sélection ». De même, ses analyses manquent parfois de réalisme.
Ainsi son appel à la grève générale en mars dernier – « le gouvernement ne nous entendra que si nous les forçons. Et pour ça, il faut bloquer l’économie, et forcer à la grève générale et reconductible » – quoiqu’enflammé et sincère, n’a guère été entendu par le peuple salarié, ni par les directions syndicales.
Mais enfin, tout cela porte le sceau d’une conviction authentique, qui déclenche évidemment un tir de barrage nourri du côté de la droite.
Moins souligné, mais nettement plus problématique, est son rapprochement avec « Révolution permanente », un groupe confidentiel issu d’une récente scission avec le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) de Philippe Poutou et Olivier Besancenot, jugé un peu tiède par ces militants révolutionnaires.
Ainsi Adèle Haenel, jeune actrice pleine de fraîcheur engagée, rejoint l’antique sillage laissé derrière lui par celui qu’on appelait « le Vieux », Léon Trotski, compagnon de Lénine pendant la révolution des soviets et organisateur de l’armée rouge.
Opposant communiste à Staline, qui a fini par le faire assassiner au Mexique, il a bénéficié d’une aura de martyr, tandis que ses partisans, pourchassés de toutes parts, ont souvent fait preuve d’un grand courage et d’une certaine lucidité antitotalitaire.
Avec cette nuance, toutefois, qu’Adèle Haenel, éprise de liberté et d’audace, devrait logiquement faire sienne.
Jusqu’à sa rupture avec Staline, Trotski fut l’un des plus implacables dirigeants du parti bolchevik, prophète de la « dictature du prolétariat », grand fusilleur, soutien fervent de l’action de la Tchéka, la police politique mise en place dès octobre 1917 par Lénine, théoricien d’une morale politique qui justifie tous les moyens en vue de la fin poursuivie par le parti.
Il s’est illustré, entre autres, par la sanglante répression des marins de la forteresse de Kronstadt, révolutionnaires socialistes révoltés par l’autoritarisme de la direction bolchevique.
Adèle Haenel se proclame aujourd’hui « communiste », auprès d’un groupe voué au dogme marxiste-léniniste, lui-même à l’origine de l’une des dictatures les plus féroces de l’histoire. De son mantra devenu culte dans la gauche radicale, « On se lève et on se casse », elle passe au vétuste « Tout le pouvoir aux soviets ». Les mauvais esprits verront là une sorte de contradiction…