Adieu Barnier
Il ne restait rien de sa superbe au Premier ministre qui a engagé la responsabilité de son gouvernement sur le projet de loi de la Sécurité Sociale. Il n’a su convaincre ni ses faux alliés ni ses vrais adversaires.
Il était arrivé sûr de lui, un brin arrogant et dominateur, fort de ses cinquante années d’expérience en politique pour prendre la barre d’un pays qui pensait-il allait à vau-l’eau, navigant à la dérive depuis sept ans entre les mains de trop jeunes moussaillons. Lui, le plus expérimenté allait à 73 ans, donner la leçon au plus jeune, Gabriel Attal 35 ans, pour lui apprendre la vraie vie, celle des hommes qui en ont vu assez en politique pour se sortir des situations complexes et fixer le cap. Dès la passation de pouvoirs, entre Michel Barnier et Gabriel Attal, le décor était planté.
Las ! Trois mois plus tard, il a suffi de voir sa mine défaite lors de son annonce au perchoir de l’Assemblée Nationale d’un recours au 49-3 pour la loi sur la Sécurité Sociale pour constater à quel point était totale la déconfiture de ses certitudes initiales. Tout juste a-t-il timidement continué à défendre sa méthode faite de « respect » et d’« écoute » au service du pays.
Surprenant Premier ministre qui a l’impression de ne pas avoir été compris alors que tous témoignent qu’il ne les a pas écoutés.
A commencer par les ténors de son « socle commun » – qui n’avait de majorité relative que le nom -, et où la plupart se sont plaints de n’être au courant de rien. De Ludovic Mendes à la gauche d’Ensemble, membre de la commission des Finances de l’Assemblée Nationale, à son patron Gabriel Attal, ils ont clamé ne pas être consultés et découvrir par voie de presse l’ossature du budget.
Afin de convaincre ses soi-disant amis qui se sont révélés ses pires adversaires, Michel Barnier a dû batailler. Laurent Wauquiez lui a ainsi grillé la politesse en annonçant avant lui la revalorisation des petites retraites tandis que Gabriel Attal s’est arcbouté sur son rôle de fervent défenseur de l’allègement des charges sur les entreprises, ravi in fine d’appeler son groupe à ne pas voter la censure … lorsqu’il était sûr qu’elle serait adoptée. Plutôt que l’équilibre des comptes de la France, ces deux-là n’ont eu en tête que leurs ambitions pour la présidentielle de 2027, ce qui a compliqué le jeu.
Le plus étonnant est que tout occupé à tenter d’attirer à lui ses soi-disant alliés, Michel Barnier a superbement ignoré ses adversaires. En déposant la motion de censure, les groupes du Nouveau Front Populaire, de LFI au Parti Socialiste, ont eu raison de souligner qu’ils n’avaient été écoutés sur aucune de leurs revendications, y compris lorsqu’ils avaient obtenu un vote majoritaire sur leurs amendements à l’Assemblée nationale.
Quant au Rassemblement National, Marine Le Pen étant empêtrée pendant de longues semaines dans le procès des emplois parlementaires fictifs, Michel Barnier l’a ignorée, convaincu qu’elle ne se relèverait pas des coups reçus pendant sa bataille judiciaire. Il l’a encore sous-estimée lorsqu’elle a rebondi en prenant l’offensive politique pour défendre le pouvoir d’achat de ses électeurs, attendant la très tardive date du 25 novembre pour la recevoir. Doublement blessée, par ses affaires et pour avoir été trop longtemps dédaignée, Marine Le Pen a baissé le pouce, et signé la mise à mort du Premier ministre en annonçant qu’elle voterait la censure. Histoire de montrer qu’elle aussi a de l’expérience. En qu’en l’occurrence, la boss c’est elle et pas lui.