Afrique : le poids écrasant de la Chine
Plus discrète que les mercenaires de Poutine, la puissance financière de Pékin lui donne une force de prédateur…
En 2000, la Chine n’accordait même pas un milliard de dollars de prêts à l’Afrique. En 2011, elle atteint les 10 milliards pour presque doubler en 2013 et culminer à près de 30 milliards en 2016. Puis la tendance se retourne, 15 milliards en 2017, moins de 10 en 2019 et retour à moins d’un milliard en 2022. Une évolution spectaculaire donc, mais qui, en total cumulé, atteint un niveau de prêts considérable sur vingt ans, soit environ 170 milliards de dollars. D’où la part croissante de la Chine dans la dette publique des pays africains, 17 % en 2021.
Mais dans un nombre de pays relativement limités à l’échelle du continent (plutôt à l’est et au sud), ce qui rend des pays comme l’Angola, l’Éthiopie, l’Égypte, le Kenya, la Zambie ou l’Afrique du Sud et plusieurs autres, extrêmement dépendants. En revanche, les prêts chinois n’ont que peu concerné l’Afrique subsaharienne de l’ouest, la Chine ne maitrisant que 6% de la dette publique des pays concernés.
Les causes de ce retournement sont multiples. L’effet du Covid d’abord et le ralentissement consécutif des économies africaines avec pour effet de rendre beaucoup plus difficile à plusieurs pays d’honorer leurs dettes. D’où de plus en plus de défauts de paiement, dont certains spectaculaires comme en Zambie, et une incitation pour les prêteurs chinois à être plus prudents que jamais, face à des pays à risques croissants
La Chine fait son miel de tous les produits de base dont dispose l’Afrique
Si l’on considère par ailleurs les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique, leur développement depuis vingt ans ne cesse de se confirmer. En 2022, les exportations chinoises ont atteint 164 milliards de dollars contre 97 milliards d’importations. Le tout dans un modèle commercial presque caricatural tant il recopie un modèle colonial : la Chine fait son miel de tous les produits de base dont dispose l’Afrique, cuivre, fer, cobalt, terres rares, bauxite, lithium, pétrole, et, en retour, livre à l’Afrique une grande partie de ses produits manufacturés.
La puissance chinoise pourrait constituer un frein considérable à toute volonté d’indépendance
Les prochaines années pourraient ainsi voir la naissance d’un nouveau cycle dans les relations entre la Chine et L’Afrique. Sauf à imaginer une improbable crise durable de l’économie chinoise, la période à venir pourrait voir la reprise des prêts chinois mais selon une autre cartographie potentielle de l’Afrique, notamment l’Afrique francophone, sous l’effet de la perte d’influence du « soft power » français et européen sur cette partie du continent. Dans le même temps, tout laisse penser que le développement des échanges commerciaux va se poursuivre. Sauf à imaginer une volonté nouvelle des États africains de ne plus se contenter de livrer leurs produits de base et de se préoccuper enfin de leur propre industrialisation.
Auquel cas, on ne peut que leur conseiller de ne pas recourir trop vite à la puissance financière chinoise, car elle pourrait constituer un frein considérable à toute volonté d’indépendance. Il n’y a, en effet, aucune raison pour que la Chine renonce d’elle-même à ce modèle de prédation dans lequel elle semble désormais durablement installée.