Afrique : le poison amer de la division
Les anciennes organisations régionales, Union africaine et Cédéao, se fissurent. Les conflits persistent, la démocratie recule et les BRICS accroissent leur influence
Quoiqu’en dise le président sortant de l’Union Africaine(UA), le Comorien Azali Assoumani, ce 37e Sommet des chefs d’État africains ouvert le 17 février 2024 se place plutôt sous le signe de la désunion. En Afrique du Nord, il a fallu des mois de marchandages pour que lui soit trouvé à temps un successeur, le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Les tensions au sein du Maghreb restent vives. Et Libye et Soudan restent toujours déchirés par des conflits entre clans.
À l’ouest du continent la situation n’est pas meilleure, comme en témoigne la crise au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Pour l’UA, parmi les huit zones régionales qu’elle reconnait au sein du continent, la Cédéao est considérée comme celle dont le fonctionnement intégré apparaissait comme le plus satisfaisant, avec notamment les débuts d’un libre-échange des marchandises et des personnes. Même sur le plan monétaire, des espoirs pouvaient être entretenus pour un passage du franc CFA à l’Eco. Mais la volonté des trois pays du Sahel, rassemblés au sein de la nouvelle AES, de quitter la Cédéao, et l’isolement relatif de la Guinée, mettent sérieusement à mal cette intégration.
Un des indices les plus significatifs de la situation actuelle est le rapprochement opéré ces derniers jours entre Mali, Burkina, Niger et Tchad autour de la distribution du pétrole nigérien grâce à la mise en service du nouvel oléoduc depuis les gisements d’Agadem.
À cette difficulté s’ajoute la crise politique en cours au Sénégal. Le Conseil Constitutionnel semble avoir remporté une manche décisive face au président Macky Sall en annulant ses décisions de reporter l’élection présidentielle. Mais l’image « démocratique » du Sénégal en ressort ternie. Comme celle de l’Union Africaine.
L’Afrique centrale connait aussi de nombreux troubles. Au Cameroun ,les provinces anglophones sont encore loin d’être apaisées. Au Gabon, la « transition » assurée par la junte militaire semble se pérenniser sans que se dessine un retour à la légalité constitutionnelle.
En RDC, à l’Est, notamment au Kivu, une nouvelle guerre pourrait s’étendre. L’Angola, chargé de la médiation, et son président Joao Lourenço sont en première ligne dans ce dossier. Lourenço a rencontré les deux présidents rwandais et congolais pour tenter de trouver des bases d’un accord difficile. Au même moment l’ONU déclare détenir des preuves du soutien apporté au mouvement rebelle M23 par le Rwanda, quelques heures après que l’aéroport de Goma a été bombardé par des drones que la RDC accuse le Rwanda d’avoir lancés. Médiation sans succès malgré les efforts conjoints des États-Unis.
Parmi les invités de cette année au Sommet de l’UA, Lula le président brésilien. Ce dernier marque ainsi sa volonté de prendre pied en Afrique. D’où ses rencontres avec le président éthiopien Aby Ahmed, le président de la Banque Africaine de Développement ou avec ses deux soutiens africains confirmés le Sud-africain Ramaphosa et le Congolais Sassou Ngesso. Démarches autant politiques qu’économiques, confirmant la volonté des BRICS d’investir l’Afrique.