Alger – Paris : Je t’aime moi non plus

par Boris Enet |  publié le 19/03/2025

Les rapports des gouvernements français et algérien sont compliqués, autant aujourd’hui qu’hier, en raison de l’inextricable lien qui unit les deux peuples, confrontés, l’un et l’autre, à l’irresponsabilité de quelques personnages, oublieux de l’Histoire et prêts à tout pour quelques sombres calculs politiciens. 

France et Algérie. (Photo de Riccardo Milani / Hans Lucas via AFP)

Impossible de traiter le contentieux sur les OQTF rendus inopérants par le refus d’Alger de récupérer ses ressortissants condamnés par la Justice, sans voir remonter à la surface les accords de décembre 1968. Ceux-ci facilitaient le déplacement d’une main d’œuvre alors indispensable à une économie française en plein boum. Ils octroyaient des facilités aux ressortissants algériens et à leurs familles pour leur établissement en France et l’obtention plus rapide de titres de séjour.

Il faut envisager ces faits dans un contexte historique, celui d’une colonisation brutale et féroce sans beaucoup d’équivalents, émaillée de nombreux crimes de masse. Celui d’une oppression coloniale où tous les habitants d’un même département n’avaient pas les mêmes droits, dont le droit de vote, en fonction de critères raciaux et racistes. Celui d’une décolonisation tardive, laborieuse et meurtrière en raison des agissements de généraux félons et de l’OAS. Tout cela appartient à l’Histoire et est étayé par une documentation abondante. En évoquant « un crime contre l’humanité », le Président Macron n’a fait qu’en tirer la conclusion logique.

Une évidence remise en cause par tout ce que la France compte encore de négationnistes. À l’extrême-droite où les héritières Le Pen, Zemmour, Knafo n’ont jamais renoncé à renverser la vapeur par une sorte d’atavisme qu’ils espèrent rédempteur. À droite par soucis de chasser sur les terres des précédents en vue des futures échéances électorales. Le ministre Retailleau s’est fait l’incarnation de ce profil d’incendiaire irresponsable concurrencé par son ennemi de l’intérieur Wauquiez. C’est à celui qui parlera le plus fort, quitte à tout mélanger et à rendre plus complexe la résolution du problème initialement soulevé des OQTF non exécutées.

Des sondages discutables confirment la popularité de ces prises de position dans l’opinion. On entend ainsi « Tous les Français en Algérie n’étaient pas des salauds ». Bien évidemment. Assimiler les citoyens lambdas aux agissements de gouvernements opérant à coup de lois d’exception n’est jamais justifié. On dit encore « Assez de repentance » comme si le legs d’infamie qui n’est pas inscrit dans la vérité historique, se transmettrait d’une génération à l’autre. Il s’agit d’établir ce qui fut pour ne pas le voir se répéter. Rien de plus, rien de moins. 

Alger n’est pas en reste avec un pouvoir pour le moins dictatorial qui viole toutes les libertés démocratiques, qui ne vit que de la captation de la manne gazière et pétrolière à son profit et au détriment de la grande majorité des Algériens. Un pouvoir prêt aux alignements les plus condamnables sur la scène internationale. La question du Sahara occidental ne lui sert que de dérivatif commode. Ce pouvoir, incarné jusqu’à la caricature par Tebboune, doit libérer Boualem Sansal sans délai et bien sûr récupérer ses ressortissants condamnés à quitter le territoire français. Il faut l’y contraindre en parlant haut et fort et en agissant fermement et sereinement. Aussi important pour l’opinion des deux rives. Dans la clarté, ne rien céder sans tout mélanger. Paris en sera-t-il capable ?

Boris Enet