Allemagne : Coca-cola sous les bombes alliées.

publié le 14/10/2023

Les groupes occidentaux qui continuent leurs activités en Russie malgré la guerre en Ukraine sont aujourd’hui critiqués. Pourtant, il y a eu bien pire au cours de la Seconde Guerre mondiale.  Par Pierre Feydel

Deuxieme guerre mondiale (1939-1945) - Stuttgart (Allemagne) 14 aout 1945 : Le superviseur civil américain et et l'ancien superviseur allemand de l'usine Coca-Cola regardent la machine a embouteiller qui va remplir les premieres bouteilles de Coca-Cola -Photo leemage

                           

                                                   

Le 11 décembre 1941, quelques jours après l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste déclarent la guerre aux États-Unis. Ce qui ne fait pas du tout les affaires de bons nombres de grandes entreprises américaines. Elles sont, en effet, des dizaines à posséder des filiales sur le territoire du Reich. 

Leurs actifs sont estimés à 475 millions de dollars début 1942. Elles ne vont donc pas cesser leurs activités facilement, même si la proclamation du « Trading with ennemy Act », la loi contre le commerce avec l’ennemi, le leur interdit. Jusqu’en 1945, leurs investissements outre-Rhin seront évalués à 8 milliards de dollars.

Le cas de Coca-Cola est exemplaire. La firme d’Atlanta est bien implantée dans tout le Reich. Sa filiale gère pas moins de 43 usines, qui produisent 5 millions de petites bouteilles de sa boisson brune gazeuse. Adolf Hitler adore, dit-on. En 1942, Atlanta décide de ne plus fournir à sa filiale allemande le sirop sucré qui fait la base de sa recette. Max Keith, qui dirige Coca-Cola en Allemagne, doit à tout prix trouver une solution. Avec ses équipes, il invente donc un nouveau breuvage à base de pulpe de pomme baptisé Fanta comme « fantastisch » (fantastique) et « fantasievoll » (plein de fantaisie). En 1943, 3 millions de bouteilles sont vendues avec, sur l’étiquette, la mention « produit par Coca-Cola ». À la fin de la guerre, les 43 usines sont détruites. Max Keith échappe aux poursuites parce qu’il a aidé des salariés à échapper à la Gestapo. Les bénéfices de la filiale allemande sont… rapatriés à Atlanta.

Mais il y a bien pire. Des sociétés ont participé activement à l’effort de guerre nazi. Opel, filiale de General Motors depuis la crise de 1929, fabrique l’Opel Blitz, l’un des camions légers très utilisés par la Wehrmacht. Son usine de Rûsselheim assemble des bombardiers Junkers 88. À la fin de la guerre, elle fabriquera les moteurs du Messerschmidt 262, premier avion de combat à réaction. Avec la Standart Oil et IG Farben, Opel livre des composants synthétiques pour carburants d’avions. Ford n’est pas en reste. À Cologne et dans la banlieue de Berlin, ses usines produisent 90 % des half-tracks de 3 tonnes semi-chenillés et 90 % des camions lourds et de moyen tonnage en service dans la Wehrmacht. Ford et GM en Allemagne ont d’ailleurs utilisé des « travailleurs forcés », prisonniers de guerre ou déportés.

Et que dire d’ITT, qui a pris une participation de 28 % dans le capital de Focke-Wulf, lequel a conçu le Fw190, le second chasseur le plus utilisé par la Luftwaffe. Sans oublier Kodak, qui emploie des déportés juifs. Ou encore IBM, qui possède en Allemagne Demohag, qui va fournir des machines à calculer permettant de trier juifs et non-juifs dans la population allemande. Le gouvernement des États-Unis, pas rancunier, accordera des indemnités à ces firmes pour compenser la perte de leurs installations en Allemagne en raison des bombardements. En fait, elles seront gagnantes sur tous les tableaux.