« America first »: quand Lindbergh se faisait décorer par Goering

par Pierre Feydel |  publié le 10/02/2024

« L’Amérique d’abord! . »..Le slogan n’est pas nouveau.  Retour sur son histoire.

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En 1920, après la Première Guerre mondiale, ce courant réapparait, virulent. Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, le sénateur Warren Harding, candidat, dans un discours prononcé à New York lance : » il faut sauvegarder l’Amérique d’abord, stabiliser l’Amérique d’abord, faire prospérer l’Amérique d’abord, penser à l’Amérique d’abord… » Harding sera élu.

L’isolationnisme va s’exacerber dès les débuts de la Seconde Guerre mondiale. Mais en 1940, après la défaite française, la Grande- Bretagne se retrouve seule face à Hitler. Un fort courant interventionniste va alors se développer. Constamment réélu depuis 1933, le président Roosevelt va tout faire pour aider les Britanniques. Les isolationnistes doivent contre-attaquer. Le 4 septembre 1940, un étudiant en Droit de l’ université Yale, R. Douglas Stuart, crée avec d’autres étudiants, dont le futur président Gerald Ford, l’American First Committee (AFC). Le général Robert E.Wood reconverti dans les affaires, représentant de la droite républicaine va en prendre la présidence.

L’AFC rassemblera 800 000 adhérents répartis en 650 cellules situées surtout dans le Midwest et la région de Chicago. Le mouvement possède des membres prestigieux :  l’industriel Henry Ford, le producteur et réalisateur Walt Disney, l’architecte Frank Lloyd Wright… Y adhèrent des nationalistes, des antisémites, des communistes, des pacifistes de toute sorte.  La recrue la plus prestigieuse s’appelle Charles Lindbergh. En 1927, le pilote réalise la première traversée aérienne de l’Atlantique. « L’aigle solitaire » devient une légende. Cinq ans plus tard, l’enlèvement et le meurtre de son fils bouleversent le monde entier. L’auteur du crime finira sur la chaise électrique. Le père, héros blessé, a encore gagné en sympathie populaire.

Après ce deuil, il s’installe en Europe, voyage en Allemagne. Il rencontre le constructeur aéronautique Willy Messerschmitt et juge la Luftwaffe invincible. Hermann Goering le décore de l’ordre de l’Aigle allemand. Lindbergh rentre pour faire campagne activement contre les bellicistes. Mais sa visite outre-Rhin a changé son image et celle de l’AFC. Le voilà devenu partisan des régimes dictatoriaux européens, suspecté d’adhérer à l’idéologie nazie. Et le 11 septembre 1941, à Des Moines, dans l’Iowa,  il désigne « les Britanniques , les Juifs et l’administration Roosevelt » comme des fauteurs de guerre.

Ces propos participent de la déconsidération de l’America First Committee. Le « San Francisco chronicle écrit » : « la voix est la voix de Lindbergh, mais les mots sont ceux d’ Hitler. » Et un éditorialiste du « New York Herald Tribune » déclare : « je suis absolument certain que Lindbergh est pronazi. » Le 7 décembre, à peine deux mots après ces propos, les Japonais attaquent Pearl Harbor. Les États-Unis entrent en guerre. L’America First Committe disparaît, s’évapore littéralement. Et Lindbergh participe au conflit comme consultant auprès de constructeurs aéronautiques et des forces armées de son pays.

Il a fallu attendre 75 ans, et Trump, pour que le même slogan isolationniste fasse le jeu d’un autre dictateur : Poutine.

Pierre Feydel

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire