Amnésie : Le pacte germano-soviétique

par Pierre Feydel |  publié le 02/03/2024

Vladimir Poutine traite les Ukrainiens de nazis, mais se garde bien d’évoquer le traité de 1939 passé entre Hitler et Staline

Caricature britannique évoquant le pacte germano--soviétique en 1939 : « Combien de temps va durer leur lune de miel ? » © Granger NYC/Rue des Archives

Le 23 août 1939, à Moscou, dans le plus grand secret, le IIIe Reich et l’Union soviétique signent un pacte de non-agression. Le traité est paraphé par les ministres des Affaires étrangères des deux pays : Joachim von Ribbentrop et Viatcheslav Molotov. Joseph Staline en personne assiste à la signature. Une partie du traité est rendue publique. Celle qui stipule que les deux pays ne s’attaqueront pas, qu’ils ne feront pas partie d’une coalition hostile à leur partenaire, qu’ils se consulteront sur les questions d’intérêt commun. Pendant un an la Russie, livrera à l’Allemagne des matières premières, et l’Allemagne des machines-outils aux Russes.

Stupeur dans les chancelleries de l’Europe de l’Ouest. Churchill, dans ses mémoires, note que la nouvelle « frappa le monde comme une explosion ». En réalité, Adolf Hitler veut se garantir à l’Est, s’il doit entrer en conflit avec les démocraties à l’Ouest. Au cours de la guerre civile espagnole, Joseph Staline a pu constater que ses chars et ses avions livrés aux républicains ne valent pas ceux de la Légion Condor, le corps expéditionnaire allemand, qui combat aux côtés des franquistes. Il doit gagner du temps. D’ailleurs, les nationalistes sont entrés dans la capitale espagnole le 28 mars. Et puis, la France et la Grande-Bretagne n’ont pas fait grand-chose pour s’opposer à l’expansionnisme nazi.

En mars 1936, la Wehrmacht a réoccupé la rive droite du Rhin, zone démilitarisée depuis 1919. La France a laissé faire. Le 12 mars 1938, l’Allemagne envahit Autriche et l’annexe. Le 30 septembre, à Munich, la France et le Royaume-Uni signent un accord qui abandonne aux nazis les Sudètes, une partie du territoire tchèque germanophile. Pour le maître du Kremlin prêt à soutenir militairement Prague, c’en est trop. La pusillanimité des démocraties le pousse à trouver un arrangement avec le chancelier allemand. Il va y trouver des avantages. 

Car le pacte recèle de redoutables clauses secrètes. En fait, il délimite à l’est de l’Europe les zones d’influence des deux dictatures. Staline aura les mains libres pour s’emparer d’une partie de la Pologne, des pays baltes, de la Finlande , de la Bessarabie ( Moldavie) puis de la Bucovine du Nord (partie de l’Ukraine). Des territoires que Poutine aujourd’hui convoite. Le NKVD et la Gestapo sont convenus de collaborer. Les premiers remettront aux seconds les communistes ou les Juifs allemands réfugiés chez eux. Les Allemands leur rendront la politesse en leur livrant les opposants à Staline sur lesquels ils mettront la main.

Le 1er septembre 1939, la Wehrmacht entre en Pologne. La France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à L’Allemagne. 17 jours plus tard, les Soviétiques pénètrent en Pologne et occupent les provinces de Lublin et de Cracovie. Le 30 septembre, l’Armée rouge attaque la Finlande. La IIe guerre mondiale a commencé. Longtemps, les Soviétiques nieront l’existence du pacte et de ses clauses secrètes. Ce n’est qu’en 1989 que Gorbatchev, au nom de la Glasnost, en admettra l’existence et en révèlera la teneur. Depuis, Vladimir l’a jeté aux oubliettes de l’histoire russe.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire