Amsterdam : la chasse aux Juifs
Les supporters de l’équipe de Tel-Aviv ont été agressés systématiquement dans les rues de la ville. Il ne s’agit pas seulement de « l’importation en Europe du conflit israélo-palestinien »…
Y a-t-il encore quelqu’un pour estimer que l’antisémitisme est « résiduel » dans nos contrées ? Les violences qui ont émaillé l’après-match entre l’Ajax et le Maccabi Tel-Aviv en sont le témoignage. Les agressions contre les supporters israéliens se sont multipliées dans la soirée de jeudi, plus de soixante personnes ont été interpellées, une dizaine de personnes au moins ont été blessées et les témoins attestent que ce sont bien les Juifs qui ont été ciblés, en tant que tels.
Sur plusieurs vidéos relayées sur les réseaux sociaux, on voit des supporters du Maccabi Tel-Aviv poursuivis et violemment frappés par des groupes d’hommes sans signes distinctifs de l’Ajax, ce qui semble écarter l’hypothèse d’une simple rixe entre supporters d’équipes rivales. Des passants sont sommés de présenter leurs passeports pour que leur nationalité soit vérifiée. Un homme qui semble avoir été jeté dans un canal de la ville est contraint de dire « Free Palestine ». Les autorités néerlandaises ont dénoncé des « actes antisémites », le roi a évoqué les pires souvenirs de la Seconde guerre mondiale, le Premier ministre Dick Schoof a dénoncé une « terrible attaque antisémite », disant sa « honte » face à ces incidents.
On dira, à juste raison, que ces violences ont été précédées par des provocations insultantes ou racistes proférées par des supporters du Maccabi Tel-Aviv, qu’un drapeau palestinien a été décroché en signe de défi, qu’on voit sur une autre vidéo certains d’entre eux chanter un hymne à la gloire de l’armée israélienne l’encourageant à régler leur compte « aux Arabes ». Mais ces imbécillités honteuses, tout aussi condamnables, sont restées verbales, tandis que les agresseurs, eux, ont usé à grande échelle de violences physiques, ce qui change la nature de l’affaire, laquelle s’apparente de toute évidence à une « chasse aux Juifs » systématiquement menée dans les rues d’Amsterdam. Symbole malencontreux, pour le moins, ces faits se sont déroulés dans la ville où la jeune Anne Frank s’est cachée de la Gestapo pendant la guerre, avant d’être déportée et de mourir à Bergen-Belsen.
On remarquera aussi que les termes de « pogrom » ou de « nuit de cristal » employés par certains commentateurs, en Europe ou en Israël, sont des outrances inutiles. Ces agressions révulsent tout démocrate. Mais elles ne sauraient être comparées, même de loin, aux assassinats systématiques qui caractérisaient les pogroms naguère perpétrés en Europe de l’Est, et encore moins la vaste opération de terreur lancée par les nazis en 1938 contre les Juifs d’Allemagne, prélude à leur déportation et à leur extermination. Ce serait même banaliser stupidement ces faits historiques monstrueux.
Néanmoins le mal court. Une bonne partie de l’opinion propalestinienne en Europe se laisse glisser dans un antisémitisme terrifiant. On dit que le conflit israélo-palestinien « est importé » en Europe. Il est clair de la poursuite indéfinie des opérations israéliennes à Gaza et au Liban, avec leur cortège de pertes civiles déchirantes, est propre à échauffer les esprits. Mais on sent bien, aussi, qu’il y a là un terreau local nuisible, alimenté, entre autres, par les courants islamistes, qu’il convient d’évaluer à sa juste mesure et de réprimer sans faiblesse.