Appel au génocide des Juifs : « Tout dépend du contexte… »

par Sandrine Treiner |  publié le 09/12/2023

Suite aux manifestations d’antisémitisme sur des campus, le Congrès américain a ouvert une enquête sur les trois universités prestigieuses pour identifier « les manquements individuels et institutionnels »

Claudine Gay, présidente de l'université de Harvard, témoigne devant la commission de la Chambre des le 5 décembre 2023 à Washington, DC. La commission a tenu une audience pour enquêter sur l'antisémitisme sur les campus universitaires- Photo Kevin Dietsch / Getty Images

La scène est la suivante. Nous sommes à Washington dans une salle du Capitole mardi 5 décembre. Les présidentes d’Harvard (Claudine Gay), du MIT (Sally Kornbluth) et de l’université de Pennsylvanie (Liz Magill), trois des principales institutions américaines de l’IVI League sont auditionnées par la commission de l’éducation et du travail. C’est une représentante républicaine, Elise Stefanik, qui mène les débats sur les manifestations d’antisémitisme constatées sur les trois campus concernés.

La question est simple : « appeler au génocide des Juifs », constitue-t-il une forme d’intimidation ou de harcèlement ? Les présidentes répondent les unes après les autres. Ou plutôt ne répondent pas. « Cela dépend du contexte » dit l’une, « si cela cible un individu en particulier » répond l’autre. Elise Stefanik insiste : « Oui ou non ? » À plusieurs reprises. Elle n’aura pas la réponse escomptée. « Vous devriez démissionner », conclut la parlementaire, « ce sont des réponses inacceptables ».

Aussitôt la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, la discussion s’enflamme aux États-Unis. L’appel à la démission des présidentes a trouvé de nombreux relais, tandis que plusieurs donateurs juifs rendaient public le retrait de leurs financements. D’autres avaient déjà réagi de même après la virulence de manifestations propalestiniennes et d’appels à l’intifada sur les différents campus.

En France, des voix s’élèvent en France pour expliquer que les responsables des trois universités n’avaient pas le choix de leur réponse : elles risquaient de tomber sous le coup de la loi américaine au motif du premier amendement de la constitution des États-Unis garantissant la liberté d’expression. Plus encore, on a pu lire ici et là que Elise Stefanik aurait tendu un piège en posant une question destinée seulement à démontrer le gauchisme culturel des universitaires. Argument spécieux. Si la conception de ce qui peut ou pas se dire outre-Atlantique est infiniment plus ouverte qu’en France, elle est néanmoins bornée par des limites en cas notamment d’incitation à l’émeute, de diffamation ou de harcèlement.

Il n’était pas difficile pour les dirigeantes ou bien de s’abriter nommément derrière le premier amendement, ou de condamner l’antisémitisme d’entrée de jeu et les propos antisémites au nom des risques qu’ils font courir aux étudiants juifs. Les présidentes des universités concernées ont également depuis clarifié leur engagement à lutter contre l’antisémitisme sur les réseaux sociaux. Bien tard.

Sandrine Treiner

Editorialiste culture