Après Assad

par Pierre Benoit |  publié le 08/12/2024

La fin du régime syrien profite d’abord au président turc Erdogan. Mais c’est surtout « l’axe de la résistance » (à Israël) Iran-Hezbollah-Damas-Hamas qui sort affaibli de l’événement.

Un homme marche sur un portrait de Bashar al-Assad alors que des rebelles dirigés par les islamistes entrent dans la résidence du président syrien en fuite. Damas, le 8 décembre 2024. (Photo OMAR HAJ KADOUR / AFP)

La statue de Hafez Al Assad piétinée par une foule en colère, des manifestants qui ouvrent les portes de la prison de Sednaya, cette forteresse de la torture ; : ce sont les premières images de la chute d’une dictature, avec le départ précipité de Bachar Al Assad au cœur de la nuit vers Moscou où il a été accueilli « pour des raisons humanitaires ». Un régime vermoulu a été balayé en moins de dix jours par des combattants islamistes et des forces d’opposition soutenues par la Turquie : on s’interroge déjà sur la Syrie nouvelle qui va émerger sur la carte du Proche-Orient.

La réunion qui s’est déroulée samedi au Qatar entre les ministres des affaires étrangères iranien, russe et turc et en présence des représentants des pays du Golfe aura été le dernier acte du règne sanglant de Bachar el Assad. A Doha, la Syrie était seule et tous les acteurs régionaux de la crise sont apparus pour ce qu’ils étaient, des spectateurs de sa chute.

Après l’offensive israélienne au Liban, Téhéran a vu son allié Hezbollah très affaibli et le régime de Téhéran est sur la réserve en attendant la prise de fonction de l’administration Trump. Quant au Kremlin, il tient depuis longtemps Assad pour un dirigeant incapable de relancer son pays après la fin de la guerre civile. Poutine a concentré toutes les forces de ses armées dans la guerre contre l’Ukraine, d’où l’arrivée récente des renforts nord-coréens.

Le principal bénéficiaire de cet effondrement s’appelle Recep Tayyip Erdogan, le président turc. Les islamistes de Hayat Tahrir Al Cham ont en effet pour alliés l’Armée Nationale Syrienne, une force rebelle soutenue depuis 2016 par Ankara qui a permis à la Turquie de contrôler le nord de la Syrie – avec ses nombreux réfugiés – et de combattre les autonomistes kurdes proche du PKK.

Quelques heures à peine après la chute du régime syrien, Ankara affirmait être en contact avec les rebelles et le ministre des Affaires étrangères confirmait que le Président déchu avait quitté le pays. Sans pouvoir dire que la Turquie soit à l’initiative de la vague qui vient de balayer les cinquante ans de dictature de la dynastie Assad, elle l’a clairement accompagnée.

Les plaques tectoniques qui ébranlent le Proche Orient depuis le 7 octobre 2023 viennent de faire sentir leur plus forte secousse. Les signes avant-coureurs de ce mouvement sont sans doute à chercher dans les coups portés contre le Hezbollah par Israël. C’est bien « l’axe de la résistance » reliant Téhéran, Damas, le Hezbollah et le Hamas qui perd du terrain.

Mais il ne faudrait pas en déduire trop vite que le Premier ministre Netanyahou est le seul maître des horloges dans cette région meurtrie. A Damas, la transition aura lieu entre l’ex Premier ministre de Bachar al Assad et Abou Mohammed Al Joulani, un leader djihadiste que l’on dit modéré, deux adjectifs peut-être contradictoires. Ce chef de guerre devra sans doute composer avec ses propres alliés. Sans qu’on sache encore dans quel équilibre régional le nouvel homme fort veut positionner son pays.

Pierre Benoit