Après la catastrophe, que faire?

par Boris Enet |  publié le 06/11/2024

La nette victoire du candidat nationaliste à l’élection américaine laisse peu de temps à la gauche continentale pour se réorganiser et surtout proposer une riposte. Forcément européenne.

Une supportrice de Donald Trump, à Palm Beach (Floride), le 6 novembre 2024 (Photo de Chandan Khanna / AFP)

Raphaël Glucksmann a été le premier à saisir le moment en évoquant une «catastrophe mondiale», tout en soulignant la solitude à laquelle l’UE est désormais confrontée. Rien ne serait pire que d’attendre la passation de pouvoir à la Maison blanche pour agir.

Le dossier le plus urgent concerne la solidarité à l’égard de l’Ukraine avant que Poutine et son ami Trump ne scellent son sort après le 20 janvier. Un effort immédiat s’impose pour les trois prochains mois sur le plan militaire, destiné à soulager le front d’un pays européen en cours d’intégration, menacé dans son intégrité territoriale par les dictatures. Réaffirmer l’intégrité territoriale de Kyiv et son caractère non négociable, permettre de regagner du terrain, notamment en Crimée, sont un premier acte pratique et symbolique pour l’UE sur la scène internationale.

Dans la même veine, la Géorgie, la Moldavie, la Macédoine du Nord, les pays des Balkans occidentaux devraient connaître un coup d’accélérateur pour leur intégration à court terme. D’aucuns soulèveront un degré de préparation certainement insuffisant, mais l’accélération ne pourra naître que de la dynamique de l’intégration pour des territoires à la merci de menaces extérieures.

Économiquement, la prochaine réunion de la BCE ne devrait pas se limiter à une baisse cosmétique des taux mais à une diminution de l’ordre de 0.5 voire 0.75 points de base afin de soutenir une croissance qui ne tardera pas à subir la concurrence déloyale des partisans de l’Amérique d’abord et d’un protectionnisme destructeur. Le rapprochement avec le Royaume-Uni, évoqué dans ces colonnes sur le plan militaire, doit lui aussi trouver un agenda pour un retour accéléré au bercail.

Une discussion sur l’absorption partielle de la dette souveraine britannique dans le cadre d’une mutualisation continentale serait un bon moyen d’entamer un dialogue renouvelé avec Londres alors que les travaillistes occupent Downing Street. Un véritable appel d’air si Bruxelles consent à lever des fonds pour la relance de son économie prenant la question des dettes souveraines à bras le corps en la ramenant à un ratio de 60% sur le PIB de chaque État et en cantonnant les surplus dans un fond transnational, géré par une direction commune.

Enfin, il est inenvisageable de laisser le révisionnisme climatique s’installer. L’UE doit être à l’initiative d’une coalition écologique pour avancer davantage sur la sortie des énergies fossiles et taxer plus lourdement les produits dangereux pour la planète autres que les seules voitures électriques chinoises.

L’Europe a les moyens d’offrir un contre-modèle environnemental et d’être une force d’entraînement non seulement pour maintenir les objectifs de l’accord de Paris mais aussi pour aller au-delà. Sans cette réponse européenne dont la social-démocratie devrait être le fer de lance, c’est l’horizon rabougri hexagonal qui s’imposera à tous, commun à Le Pen et Mélenchon, plus sûr moyen de conduire à l’abattoir les classes moyennes et populaires.

L’élection de Trump marque une accélération inédite des menaces existentielles sur la scène internationale. La gauche européenne de gouvernement n’a d’autre choix que d’assumer pleinement son rôle, faute de quoi elle sera balayée.

Boris Enet