Argentine : Trumponaro au pouvoir
Un populiste gagne l’élection présidentielle en Argentine : on s’en désole. Peut-être faut-il aussi en comprendre les causes…
La série noire continue pour les démocraties en crise. Après Trump, Johnson, Bolsonaro et Meloni, avant Le Pen et quelques autres, voici Javier Milei. Le dernier en date des démagogues réacs et plus ou moins loufdingues vient de remporter haut la main l’élection présidentielle en Argentine. Son slogan, tout en élégance et en délicatesse : « La liberté, bordel ! »
Dans une variante libertarienne du populisme, il veut éliminer l’État-providence, déréguler à tout va, remplacer le peso par le dollar ; il fait l’éloge de l’ancien régime militaire et veut supprimer le droit à l’IVG au nom d’un discours radicalement antiféministe. Une sorte d’Elon Musk président, ou encore un Pinochet démocratiquement élu.
On a raison de s’alarmer : la réduction drastique du rôle de l’État fera mécaniquement exploser les inégalités ; la dollarisation de l’économie annule toute indépendance monétaire et risque de déclencher une récession, les droits des femmes reculeront brutalement et l’homme use autant que Trump des « vérités alternatives ». Avec ce bémol : minoritaire au Parlement, dépendant de ses alliés de droite, l’impétrant aura du mal à mettre en œuvre son programme.
Mais c’est aussi l’occasion de s’interroger : pourquoi une telle épidémie de populismes de droite à travers le monde ?
L’Argentine, dans ses excès, est un cas d’école. Milei a émergé en trois ans grâce à un discours anti-élites ravageur. On s’en désole, comme on déplore l’arrivée d’un cyclone ou la survenue d’un tremblement de terre. Mieux vaut examiner le bilan des élites en question, avec trente ans d’alternance au pouvoir entre un centre-gauche péroniste et une droite classique. Une classe politique largement corrompue, une progression continue du taux de pauvreté, un État surendetté, une économie en déclin et un taux d’inflation de 140% : tel est le résultat de cette succession de gouvernements inefficaces.
À une opinion désabusée, Milei propose des remèdes de cheval, promettant de sortir le pays du déclin, de rétablir le prestige national et de remettre à l’honneur les valeurs traditionnelles. Au fond, les mêmes thèmes entendus dans tous les pays où sévit le populisme.
Ce qui nous ramène à une règle bien connue dans l’histoire. Quand la démocratie échoue à résoudre les maux d’une société, ses adversaires prospèrent. Transposons à la France (dont la situation est fort heureusement moins dramatique) : pour empêcher Marine Le Pen d’arriver au pouvoir, il ne suffit pas de la dénoncer. Il faut résoudre les problèmes qui la font monter.