Armes : la Chine fournit la Russie

par Pierre Feydel |  publié le 03/05/2024

Composants , armes , explosifs, les Américains dénoncent les livraisons à Moscou. Pékin, mis en cause, s’indigne…

Capture d'écran du discours du président chinois Xi Jinping à l'occasion du Nouvel An - Photo Xose Bouzas / Hans Lucas

Donc, Chinois et Américains se parlent, même si ce n’est pas que pour échanger des amabilités. Le 26 avril à Pékin, Xi Jinping a reçu le secrétaire d’État américain de façon presque affable souhaitant que les États-Unis ne cherchent pas à entraver le développement commercial chinois. Une allusion aux menaces américaines d’interdire la plate-forme Tik-Tok aux États-Unis, si elle ne vend pas sa filiale à une entreprise américaine.

 « la Russie aurait du mal à poursuivre son assaut contre l’Ukraine sans le soutien chinois. »

Anthony Blinken

L’atmosphère s’est singulièrement refroidie lorsqu’ Anthony Blinken qui avait fait part des inquiétudes de son pays vis-à-vis de l’aide chinoise aux Russes dans le conflit avec L’Ukraine a déclaré : « la Russie aurait du mal à poursuivre son assaut contre l’Ukraine sans le soutien chinois. »  Quelques jours plus tôt, un haut responsable américain, sous couvert d’anonymat, déclarait à l’AFP que la Russie menait « sa plus importante expansion militaire depuis l’ère soviétique et à un rythme plus élevé que ce que nous pensions possible. »

Selon les renseignements fournis à l’administration Biden, Moscou achète à Pékin, des composants électroniques, des machines-outils et des explosifs en masse. La Chine travaille sur le territoire russe à la fabrication de drones, les moteurs de ces engins étant livrés par la République populaire. 70 % des récents achats de machine-outil auraient permis de « booster » la production de missiles balistiques.  Pékin livrerait aussi des systèmes de propulsion pour missile de croisière. Il faut ajouter de la nitrocellulose, un explosif fulminant, utilise dans la fabrication des munitions d’artillerie.

Les Américains désignent des entreprises chinoises telles que Dalian Machine Tool Group. Ils ont aussi repéré des sociétés chinoises qui livrent des systèmes optiques pour les chars russes. Ce catalogue a amené Kurt Campbell, secrétaire d’État adjoint, a expliqué que les États-Unis ne resteraient pas les bras croisés. La Chine s’est offusquée de ses accusations, expliquant qu’elle avait le droit de commercer avec qui elle veut, comme elle veut.

L’économie chinoise ne peut se priver des marchés occidentaux.

Le commerce entre la Chine et la Russie a atteint 240 milliards de dollars en 2023, le double de 2018. Un chiffre en hausse de 26,3 % sur un an. Les exportations chinoises vers la Chine ont augmenté de 46,9 % en 2023. Les importations en provenance de Russie n’ont, elles, progressé que de 13 %. La Chine achète du pétrole et du gaz. Mais qu’est-ce qu’elle exporte ? Des voitures, de l’informatique, des produits manufacturés que Moscou ne peut plus se procurer du fait des sanctions et des armes. Reste que Pékin joue gros.

L’économie chinoise ne peut se priver des marchés occidentaux. Ses exportations sont un levier crucial pour sa croissance. Or, déjà cette dernière progresse péniblement (2,3 % fin 2023). Les « routes de la soie » patinent. Au premier trimestre 2024, le PIB chinois n’a augmenté que de 5,3 % en rythme annuel. Mieux que prévu, mais la consommation se tasse et la production industrielle s’essouffle. Des sanctions pour cause d’aides à la Russie n’arrangeraient rien. Une idée, évoquée par les Américains, qui pourrait prendre corps si les avancées russes sur le front ukrainien s’accéléraient.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire