Assassinat de Kennedy : échec au complotisme
Donald Trump a déclassifié les derniers documents secrets concernant l’assassinat de John Kennedy à Dallas. Déception des paranos : rien ne vient accréditer l’idée d’une conjuration.

Le 22 novembre 1963 à Dallas, John Kennedy tombait sous les balles de Lee Harvey Oswald, un ancien soldat exalté au passé ambigu. Depuis cette date, et en dépit d’une enquête complète menée sous la direction du président progressiste de la Cour Suprême, Earl Warren, une multitude de théories du complot ont vu le jour, convaincant une grande partie du public américain – et mondial – que John Kennedy avait été victime d’un complot ourdi par des forces obscures. On désignait (sans preuves) la CIA, le Pentagone, la mafia, Cuba, l’URSS, ou même le vice-président Johnson qui a pris la succession de Kennedy, d’avoir éliminé le jeune président, trop gênant à leurs yeux.
Incontestablement, l’événement était entaché de coïncidences troublantes ou de zones d’ombre dérangeantes : Oswald semblait un personnage trop minuscule pour avoir perpétré seul ce crime majeur ; on disait qu’il ne pouvait avoir tiré trois fois en quelques secondes avec son vieux fusil et donc qu’il y avait d’autres tireurs ; on affirmait que la troisième balle qui avait atteint le président était forcément tirée de face (et donc par quelqu’un d’autre) ; on avançait que l’autopsie avait été truquée et, surtout, que l’exécution d’Oswald par un tenancier de boîte de nuit lié à la mafia, Jack Ruby, montrait bien qu’on voulait empêcher Oswald de parler. Un film d’Oliver Stone, JFK, avait synthétisé toutes ces théories en un réquisitoire haletant, dont les spectateurs ressortaient persuadés que les autorités avaient menti sur l’assassinat.
L’ennui, c’est que l’enquête de la commission Warren, contrairement à l’idée reçue, avait été effectuée avec sérieux et, surtout, que deux ouvrages importants, non traduits en France, ceux de Gerald Posner et de Vincent Bugliosi, répondaient de manière complète et systématique à tous les éléments avancés par les partisans de la thèse du complot. Oswald avait acheté le fusil, il était un bon tireur, il s’était présenté à son travail avec un paquet longiligne et s’était enfui une fois le crime accompli. Et surtout, il avait été embauché dans le dépôt de livres qui dominait la rue où était passée la voiture de Kennedy plusieurs mois avant qu’on sache que le président allait venir à Dallas et, surtout, bien avant qu’on connaisse son itinéraire. C’est donc le hasard et non une machination obscure qui l’avait placé sur le trajet du cortège.
Face à la popularité de la thèse du complot – un travers commun à toutes les opinions publiques – ces arguments factuels et rationnels ne pesaient pas lourd. Chacun ou presque était persuadé que l’affaire était louche, que la « thèse officielle » avait travesti les faits, que l’assassinat d’un président par un individu isolé était invraisemblable (alors même que la plupart des présidents américains ont été victimes de tentatives de ce genre). La vérité, disait-on, gisait quelque part dans les archives secrètes qu’aucun gouvernement ne voulait rendre publiques.
C’est pourtant chose faite aujourd’hui : soutenu par un électorat complotiste, Donald Trump avait promis d’ouvrir tous les dossiers, ce qu’il vient de faire. Deux jours après, ceux qui ont examiné ces documents sont revenus bredouilles. Dernier argument : tout n’a pas été expertisé avec minutie, faute de temps. Attendons, donc. Mais les chances de découvrir un élément majeur sont désormais infimes. Ainsi, sauf invraisemblable surprise, cette théorie du complot, qui a fonctionné en Occident comme la mère de toutes les autres du même genre (sur le 11 septembre, par exemple), sera définitivement réfutée. Encore raté pour les complotistes…