Attal-Bardella : les dessous d’une manipulation politique

par Valérie Lecasble |  publié le 17/05/2024

Contraint par Emmanuel Macron, le Premier ministre va tenter d’éviter le désastre annoncé de la défaite de son parti aux élections européennes. Le PS saisit l’Arcom

Le débat entre le Premier ministre français Gabriel Attal et Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national pour les élections européennes, aura lieu le 23 mai sur France 2 - Photo JOEL SAGET / AFP

Avec leurs visages de jeunes premiers, leur bonne image politique, leur connaissance des dossiers et leur sens de la répartie, ils ont chacun à leur manière le vent en poupe dans l’opinion publique. Le combat s’annonce passionnant, jeudi 23 mai, lors du débat qui verra s’affronter Gabriel Attal et Jordan Bardella  à 20 h sur France 2. Attendu, ce match suscite cependant plusieurs interrogations.

Le Premier ministre de la France face à la tête de liste du Rassemblement National pour les élections européennes ? Quelle incongruité, la fonction du premier étant nettement supérieure à celle du second. Gabriel Attal a dû s’y résoudre faute d’avoir obtenu une réponse positive de Marine Le Pen qu’il avait à plusieurs reprises sollicitée pour débattre avec lui. La future candidate à l’élection présidentielle de 2027 a décliné avec dédain l’invitation ; tout juste aurait-elle accepté l’éventualité d’un affrontement avec Emmanuel Macron si celui-ci avait insisté  mais… à la condition que cela soit après les élections européennes.

Si Gabriel Attal débat avec Jordan Bardella, ce n’est pas de gaieté de cœur tant cela l’expose dans la défaite annoncée de son parti qui a dans les sondages plus de quinze points de retard sur le Rassemblement National pour le scrutin du 9 juin. C’est qu’Emmanuel Macron lui en a intimé l’ordre afin de tenter de réduire l’écart avec le Rassemblement National. Lorsqu’il l’a nommé à Matignon, le Président de la République avait mis dans la besace du Premier ministre la responsabilité de faire campagne contre Jordan Bardella.

Au four et au moulin, voilà Gabriel Attal contraint de gérer toutes les urgences d’un chef de gouvernement, de la crise agricole à celle de Nouméa ; et aussi de monter au front électoral. Tout en sachant qu’une partie de l’échec pourrait lui être imputé jusqu’à peut-être lui coûter son poste. Ambiance… de fébrilité qui laisse la part trop belle au Rassemblement National, qui jubile de provoquer ainsi la panique et de focaliser à ce point sur lui l’attention. Le seul précédent d’un débat aussi décalé est celui de septembre 1992 provoqué par François Mitterrand contre Philippe Seguin à quelques jours du référendum de Maastricht. Mais c’était alors pour un motif d’intérêt général, obtenir le oui de la France à l’Europe, et non dans l’objectif de contrer un parti politique.

Raphaël Glucksmann, le candidat social-démocrate qui talonne dans les sondages sa concurrente de Renaissance, a beau jeu dans ces conditions de s’indigner du débat tronqué Attal-Bardella qui cherche à réduire, une fois encore, les élections européennes à un duel entre la majorité présidentielle et le Rassemblement National dans une volonté de manipulation des esprits dans la dernière ligne droite de la campagne électorale. Furieux de ce duel imposé, Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a saisi l’Arcom au nom du respect du pluralisme.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique