Attal, le sauveur en culottes courtes
Pour sortir d’un marasme qui dure depuis un an, Emmanuel Macron joue la carte du rajeunissement. La valeur n’attend pas le nombre des années, bien sûr. Mais le petit nombre des années ne la garantit pas.
Élisabeth Borne est prématurément remerciée ; Gabriel Attal est prématurément nommé à sa place. Le plus jeune président de la Cinquième est maintenant flanqué du plus jeune Premier ministre. Après le camouflet, le mouflet.
Les mauvaises langues diront que la République s’apparente désormais à un jardin d’enfants. Mais le pari de la jeunesse peut séduire. Il y a des précédents, qui plaident pour lui, Laurent Fabius sous Mitterrand, Félix Gaillard sous Coty. Ou encore, dans l’Histoire, William Pitt le jeune, premier ministre à 24 ans, ou Élie Decazes, favori de Louis XVIII. Plutôt des réussites.
Pour quelle politique ? L’itinéraire de Gabriel Attal, enfant chéri des sondages, livre quelques éléments. Ce jeune Premier a fait ses classes à gauche, au Parti socialiste puis au cabinet de Marisol Touraine. Mais les mesures qui l’ont porté à Matignon, sur le thème de l’autorité à l’école, plaisent à la droite. Le Figaro ou Le Point saluent ce chef de gouvernement dont le court CV leur semble de bon augure. Au sein de la macronie, déjà caméléon perçait sous Bonaparte… Emmanuel Macron sait que le pays, avec une gauche qui plafonne à 30 %, glisse vers la droite et l’extrême droite. Il en tire les conséquences.
Il y a surtout, derrière cette nomination, un double calcul électoral. Le premier concerne les élections européennes, qui seront le premier défi politique de Gabriel Attal. C’est un autre gamin malin de la politique qui tient la corde, Jordan Bardella. En lui opposant Attal, promu numéro deux du macronisme, le président espère faire pièce au numéro deux du lepénisme. Tel un chiot dans ce jeu de quilles, il escompte que le nouveau Premier ministre bouleversera une compétition que le RN semblait dominer largement.
Président non rééligible, il veut aussi se prémunir contre l’ardeur précoce de ses successeurs. Sans doute se méfie-t-il de l’empressement d’un Le Maire, d’un Philippe ou d’un Darmanin. En jetant un quatrième homme dans ce bal des prétendants, il attend de l’atout Attal les neutralise quelque peu. Diviser pour continuer de régner, la vieille maxime profite au jeune impétrant. Mais au total, en rajeunissant, l’ancienne ambiguïté macronienne se prolonge par une cure de jouvence.