Au secours, la droite revient !
Tout ce qu’on peut savoir des intentions de Michel Barnier va dans le même sens : un retour de la vieille droite, mâtinée d’un lancinant parfum lepéniste.
Au fond, on retrouve ses marques. La dissolution de Macron ayant eu pour principal effet de dissoudre le macronisme, nous voici avec un paysage familier soudain reconstruit : d’un côté la droite, de l’autre la gauche. Finies les fariboles du « dépassement », les arabesques du « en même temps », les dissertations creuses sur « l’ancien monde et le nouveau ». Cheval de retour, Barnier fait ce qu’il avait l’habitude de faire : suivre le parcours balisé de la vieille droite chiraco-sarkozyste.
C’est ce que dit, par exemple, Gérard Larcher, président du Sénat et conservateur LR bon teint : « Le Premier ministre me semble avoir fait siennes nos propositions et je crois que nous pourrons participer au gouvernement ». On ne sait, finalement, s’il a l’intention de ressusciter le « Ministère de l’immigration et de l’identité nationale » inventé par Sarkozy pour faire du Le Pen sans Le Pen. Mais les priorités par lui définies rendent cette hypothèse vraisemblable, seraient-elles finalement démenties.
Lui-même avait proposé un moratoire sur l’immigration, c’est-à-dire un arrêt total, quoique temporaire. Nommé Premier ministre avec la muette neutralité du RN, il ira forcément dans ce sens. Non que l’immigration doive échapper à toute régulation, on le sait bien à gauche (ou on devrait le savoir). Mais l’accent mis sur la seule fermeture augure mal de la politique future, alors qu’il faut certes maîtriser les flux mais aussi respecter les conventions sur les réfugiés et améliorer l’accueil et l’intégration, par exemple en régularisant les immigrés déjà insérés dans le marché du travail.
Le tout est à l’avenant : la réforme des retraites sera maintenue, alors que beaucoup – la CFDT notamment – estiment qu’elle doit être amodiée dans le sens de la justice. Le budget sera fondé sur la limitation des dépenses publiques et sur le gel des impôts, alors que les services publics exigent des moyens supplémentaires et que le rétablissement des impôts sur les plus fortunés, mis en œuvre sous Hollande, dégagerait des marges supplémentaires (limitées, certes, mais réelles).
Bref les ruptures promises par Barnier consistent, pour l’essentiel, à jeter le masque du centrisme pour reprendre les patins de Sarkozy, conseiller officieux de l’Élysée. On a parfois du mal à interpréter le sens du vote du 7 juillet dernier. Mais personne ou presque n’avait imaginé qu’il se solderait par une prise du pouvoir du parti le plus faible et le plus ringard du Parlement, pâle réincarnation de l’antique UMP.