Automobile : la carte et le territoire

par Bernard Attali |  publié le 08/11/2024

On déplore à juste titre les difficultés éprouvées par les salariés de Michelin. Peut-être aurait-on pu faire un effort de prévision…

Des voitures fabriquées en Chine attendent d'être chargées pour l'exportation au port de Yantai, en Chine, le 14 octobre 2024. (Photo de CFOTO / NurPhoto via AFP)

Les récentes fermetures d’usines de Michelin devraient nous interpeller. Des pans entiers de notre appareil productif vont à nouveau subir de plein fouet le grand vent de la concurrence. Et l’automobile – avec tout son écosystème de sous-traitants – va payer le prix fort à la crise qui vient. Dans ce seul secteur plusieurs causes bien identifiées : une règlementation européenne irréfléchie (aucune étude d’impact n’a précédé la décision d’interdire les moteurs thermiques à partir de 2035 !) ; une concurrence chinoise effrénée qui s’attaque désormais aux produits à haute valeur ajoutée ; une maîtrise incomplète de la chaine de valeur (notamment la transformation des métaux indispensables aux batteries) ; des prix de l’énergie parfois double ou triple des grands concurrents ; et demain un protectionnisme américain agressif.

On sait que nos voisins allemands (BMW en tête) vont beaucoup souffrir. Nous n’y échapperons pas, souvent au détriment de bassins d’emplois très difficiles. Que fait-on pour s’y préparer ? Rien ou si peu de choses… Pour avoir vécu autrefois la restructuration des régions Nord et Lorraine quand il a fallu diversifier un tissu industriel trop lié au charbon et à l’acier j’ai encore en mémoire le travail difficile accompli à Longwy, à Denain ou à Charleville Mézières. Encore avions-nous, à l’époque, une méthode et des instruments.

Une méthode : nous avions repéré en amont les principaux bassins d’emplois qui seraient touchés et nous avons pu, en quelques mois, identifier les acteurs capables de redonner espoir à des zones très affectées. Et des moyens, rattachés au Premier Ministre : la Datar disposait alors d’une autorité lui permettant d’exiger des autres services ministériels les actions prioritaires inspirées par l’urgence. Qui aujourd’hui réfléchit à l’impact géographique des crises qui vont se multiplier ? Qui en prévoit la cartographie ? Qui a le poids suffisant pour coordonner, voire contractualiser, les efforts des pouvoirs publics, des entreprises et des collectivités locales concernées ? Qui a réfléchi dans ce contexte à l’impact géographique des crédits du projet de loi de finances pour éviter la désertification de zones entières du territoire ? Poser la question c’est y répondre , hélas…

Bien sûr, il faut souligner le rôle de la Direction des entreprises et du Comité de Restructuration Industrielle à Bercy. Mais le travail d’infirmerie serait d’autant plus efficace s’il était précédé d’un effort de prévention à la hauteur des enjeux. Loin de moi l’idée stupide que tout cela était mieux géré hier. Mais ignorer les leçons du passé, c’est encore la meilleure façon d’insulter l’avenir.

Bernard Attali

Editorialiste