Avec Mélenchon, le parti purge

par Pierre Feydel |  publié le 03/07/2024

À LFI, on exclut, y compris des militants dévoués mais qui ont osé manifester des désaccords avec le chef

Le député français et leader du parti de gauche La France Insoumise (LFI) Jean-Luc Melenchon (G) et le député du parti de gauche La France Insoumise (LFI) François Ruffin à l'Assemblée nationale française -Photo par GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

François Ruffin dit l’avoir constaté dans sa circonscription : Jean-Luc Mélenchon est un « repoussoir » pour bon nombre d’électeurs de gauche, qualificatif qui a exaspéré les fidèles du chef. Mais le député sortant de la 1ère circonscription de la Somme a suffisamment labouré sa circonscription, de piquets d’usine en grève en manifestations de soutien à toutes sortes de « travailleurs en lutte », pour qu’on suppose qu’il sait de quoi il parle. Au sein de LFI, il est apparu ces derniers mois comme un concurrent du chef historique.

Il est vrai que les deux hommes affichent des stratégies totalement différentes. François Ruffin croit à la nécessité de reprendre à l’électorat du Rassemblement national les masses populaires qui s’y sont égarées. Jean-Luc Mélenchon, lui, compte désormais essentiellement sur le peuple des banlieues victime de discriminations diverses et de racisme systématique. L’un croit encore à une lutte des classes rénovée, l’autre se complaît dans une lutte des races exacerbée.

François Ruffin a osé exprimer son désaccord lors de la campagne des Européennes pour LFI, passablement vouée au soutien des Gazaouis. Pas grand-chose sur le pouvoir d’achat. Quant à l’Europe… La sanction ne s’est pas fait attendre, l’Amiénois s’est vu retirer l’investiture de son parti. Mis en ballottage, il a heureusement bénéficié du désistement de la candidate macroniste. D’autres victimes du sectarisme mélenchonien ont eux-aussi été privés d’investiture. Ces « purgés » se sont même vus jeter dans les pattes des candidats officiellement investis par leur ex-parti.

C’est le cas du couple Corbières-Garrido, de Dominique Simonnet ou encore d’Hendrik Davy, un proche de Clémentine Autain. Ils ont néanmoins réussi à se qualifier au second tour avec de vraies chances de succès. Malgré les attaques du fondateur de LFI, allant jusque dans une vidéo à appeler les électeurs à ne pas choisir de « faux bulletins » du nouveau Front populaire, malgré là aussi les menaces, voire les insultes. Non seulement il exclut, mais il veut tuer politiquement ceux qui auraient osé le défier.

Jean-Luc Mélenchon règle ses comptes. Pour comprendre, il faut considérer d’où il vient. Son passage à l’Organisation communiste internationale (OCI), un courant trotskiste dirigé par Pierre Lambert, n’a pas fait de lui un grand démocrate. Il garde les réflexes autoritaires de son mentor qui excluait volontiers et gouvernait avec un petit nombre de fidèles qu’il renouvelait souvent. Le fondateur de LFI maintient aujourd’hui des liens étroits avec le Parti ouvrier indépendant, héritier de l’OCI. Du coup, la démocratie interne à LFI serait inutile.

Manuel Bompard, voix de son maître, estime que « le vote n’est pas l’alpha et l’oméga de la démocratie ». L’organisation ne serait ni verticale, ni horizontale, juste « gazeuse » selon son fondateur. En réalité, le processus de décision est surtout totalement opaque, ce qui permet de protéger le chef suprême. Vieux truc des dictatures qui permet au « leader maximo » de ne pas apparaître responsable des turpitudes.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire