Aya Nakamura : « Moi, j’men bats les reins »

par Sandrine Treiner |  publié le 15/03/2024

« Ni la culture, ni l’élégance française » selon Reconquête, pour chanter aux J.O. Vraiment? Francophone aussi connue qu’Édith Piaf, la chanteuse franco-malienne s’en moque

La chanteuse française Aya Danioko, alias Aya Nakamura, à Paris - Photo by JOEL SAGET / AFP

L’histoire remonte à quelques jours, lorsqu’une indiscrétion dans l’Express – encore sans confirmation officielle à cette heure – révèle que la chanteuse franco-malienne, la star sur laquelle dansent et que fredonnent les plus jeunes, pourrait être choisie par le président de la République, Emmanuel Macron, pour chanter à l’occasion de l’ouverture des Jeux olympiques à l’été prochain.

Qui est Aya Nakamura, demanderont ceux qui écoutent Radio Classique davantage que les playlists de Spotify, et préfèrent la salle Pleyel à l’Accor Arena ? La jeune femme a 28 ans. Née dans une famille de griots à Bamako au Mali en 1995, elle arrive en France, enfant, quand ses parents s’installent à Aulnay-sous-Bois. Elle hésite plus tard à devenir modéliste et choisit la chanson. Elle est adolescente lorsqu’elle commence à écrire des textes. Elle compose, met ses mélodies sur Youtube et le nombre de vues de ses vidéos flambe vite. Elle chante en duo avec des rappeurs, additionne les millions d’adeptes et en 2016, elle signe un contrat chez Warner Music. Son premier album est disque d’Or.

En 2017, elle demande sa naturalisation, qu’elle obtient quatre ans plus tard. Avec Djadja, en 2018, elle produit le tube de l’été. 950 millions de vues sur Youtube, des nominations aux Victoires de la musique, elle propose ses influences musicales au public, qui en redemande. Afrobeat, RnB français, Zouk, elle crée son univers. Elle représente la France aux BET AWARDS réservés aux artistes afro-américains ou issus d’autres minorités en 2019. Son succès, depuis, ne s’est pas démenti. Elle a acquis dans l’univers francophone la notoriété que seule Edith Piaf, parmi les artistes féminines, avait acquise à son époque.

C’est du reste à Piaf qu’elle fait référence lorsque la polémique monte à l’extrême droite. N’ayant décidément plus aucune inhibition, des collectifs d’identitaires proclament leurs insanités sur le rythme de Djadja : Y’a pas moyen, Aya, ici c’est Paris, pas le marché de Bamako ». Le parti Reconquête emboite le pas sans rougir. Éric Zemmour puis Marion Maréchal se font applaudir en soutenant que la chanteuse ne représente « ni la culture, ni l’élégance française » et moquent son orthographe et son phrasé. Un nouvel avatar d’un racisme hors d’âge. Mais à l’évidence de retour.

Elle, bien plus maligne que ses détracteurs, a répondu avec ses mots et son humour : « Vous pouvez être raciste, mais pas sourd … C’est sa qui vous fait mal ! Je deviens un sujet d’état numéro 1 en débats ect mais je vous dois quoi en vrai ? Kedal »

Soutenue par la ministre de la culture, Rachida Dati et par quantités de personnalités, il reviendra à l’artiste de décider d’aller en justice ou pas. En attendant, il faut noter qu’en France en 2024, un courant politique officiel assume de dire publiquement que la couleur de la peau et le mix culturel constituent des critères de rejet de la communauté nationale.

La musique, elle, s’en moque bien, mais la haine laisse des traces, et c’est pourquoi il faut espérer qu’Aya Nakamura chantera bien aux J.O.

Sandrine Treiner

Editorialiste culture