Bannir Orban

publié le 09/12/2023

Les agissements anti-européens du Premier ministre hongrois doivent être sanctionnés au plus vite, faute de quoi l’Union risque d’être détruite de l’intérieur par les partis nationalistes. Par François Hollande

Le président français François Hollande au palais de l'Élysée à Paris, le 11 mai 2017. -Photo JOEL SAGET / AFP

Le sommet européen des 14 et 15 décembre prochains va donner à Viktor Orban un rôle que ne lui confèrent ni la population de son pays – dix millions d’habitants – ni la force de son économie. Si le Premier ministre hongrois pèse autant, il ne le doit pas davantage à la qualité de ses arguments ou au rayonnement de son autorité politique. S’il est placé en position de force, c’est que les règles qui président au fonctionnement du Conseil européen obligent au consensus. Aucun pays ne dispose formellement d’un droit de veto. Mais les décisions des chefs d’État et de gouvernement doivent être prises à l’unanimité pour devenir effectives, sinon elles sont envoyées à plus tard. C’est bien le but de Viktor Orban.

À la tête de la Hongrie depuis treize ans, ce dirigeant, hier libéral et antitotalitaire, est devenu nationaliste jusqu’à exciter les minorités hongroises présentes dans les pays voisins, conservateur jusqu’à discuter du droit des femmes à recourir à l’IVG, homophobe jusqu’à interdire aux personnes LGBT d’approcher des écoles, poutinien jusqu’à remettre en question le bien-fondé des sanctions prises à l’égard de la Russie après l’invasion de l’Ukraine, autoritaire jusqu’à mettre au pas la justice de son pays, convoquant, s’il en était besoin, des consultations plébiscitaires gagnées d’avance.

Et, pour finir, anti-européen jusqu’à moquer la Commission, la qualifiant de « mauvaise parodie », et à déclarer que « même lorsque Bruxelles siffle, nous dansons comme nous voulons ». C’est ainsi qu’il a dégagé son pays de toute obligation en matière d’accueil des réfugiés, qu’il a refusé de fournir des armes à l’Ukraine, qu’il n’a même pas admis que des armements européens traversent son territoire et qu’il s’oppose aujourd’hui à l’élargissement de l’Union européenne à l’Ukraine, tandis qu’il est pressé d’y accueillir la Serbie.

La Commission européenne a cru faire preuve d’autorité en gelant douze milliards de fonds européens destinés à la Hongrie et en suspendant le programme Erasmus dans les universités hongroises. Orban s’en est servi pour remonter encore davantage une partie de sa population contre la « bureaucratie bruxelloise » et s’est grossièrement félicité de voir des « étudiants contestataires » privés de voyager.

Viktor Orban est patient. Il attend que les élections européennes prévues au mois de juin prochain envoient des populistes de son espèce en bon nombre au Parlement européen. Il a d’ailleurs scellé un accord avec madame Le Pen pour constituer un groupe au sein du Parlement, il n’a pas abandonné le projet d’y rallier madame Meloni et il ne désespère pas d’y accueillir les nationalistes polonais, au-delà de leurs divergences sur l’Ukraine.

Si l’Europe fait preuve de faiblesse comme jusqu’à maintenant, face à des comportements qui ont peu à voir avec l’esprit de l’Union, et si elle tolère des décisions qui ne sont que des violations répétées des traités, elle ne résistera pas à la coalition des extrémistes qui voudra la paralyser et la priver de toute initiative diplomatique, sociale ou écologique. Si l’Europe reste impuissante devant la menace réitérée d’un blocage des institutions, elle ne tiendra pas longtemps face aux menées des nationalistes en son sein.

Si elle tarde à user de la possibilité prévue par les traités de suspendre un État qui s’exonère de toute obligation et se détourne des principes qui ont fondé l’Union européenne elle-même – les Droits de l’Homme, la solidarité entre ses membres et la séparation des pouvoirs – alors elle connaîtra une épreuve bien plus redoutable que le Brexit, car les Britanniques n’ont fait que reprendre leur liberté sans entraver la nôtre.

Le danger qui la guette est bien plus grave : la destruction de l’intérieur des valeurs qui ont justifié l’aventure européenne et qui sont celles de la démocratie.