Bardella cartonne
Après seulement cinq jours en librairie, le livre du leader du RN s’arroge la troisième place dans le classement des ventes et celui de Philippe de Villiers la sixième. Avertissement : l’extrême-droite vend du papier.
Il avait choisi un samedi, un jour tout à fait inhabituel pour faire paraître un livre, parce que ce jour-là, 9 novembre, il tenait le premier meeting de sa campagne permanente à Tonneins en Lot-et-Garonne. Pas besoin de courir les médias : les déclarations de Jordan Bardella étaient reprises en boucle le jour même sur tous les plateaux de radio et de télévision. Le lendemain, le Journal du Dimanche lui consacrait sa Une, suivie de trois pages d’interview.
Quatre jours plus tard, le leader du Rassemblement National avait déjà vendu 23.000 exemplaires de Ce que je cherche, bondissant à la troisième place du classement des ventes derrière Kamel Daoud qui a remporté le Goncourt et le nouvel album de Blake et Mortimer ! « Quand on atteint ce niveau-là, en à peine quelques jours, c’est le best-seller assuré », commente un éditeur chevronné.
Est-ce en raison de la polémique déclenchée par le refus de MediaTransports, filiale de la SNCF, de coller dans les gares et les métros les 600 affiches prévues pour la promotion du livre ? « C’était couru d’avance, ils savaient qu’ils seraient interdits », assure une autre éditrice, convaincue que le contrat ne le permettait pas. Habilement, Bardella s’est emparé de cette manipulation pour aiguiser sa promotion et tenter de faire croire que son livre allait être tout bonnement censuré sur la pression, disait-il, d’une bande de cheminots gauchistes de la SNCF.
Quelle meilleure façon d’attirer le chaland ? Mais polémique ou pas, les professionnels du secteur sont convaincus que le livre de Bardella allait de toutes manières vers un succès. Pour deux raisons. La première sonne comme une évidence. « Quand 11 millions de Français ont voté pour vous, pas étonnant qu’ils soient nombreux à vouloir acheter votre livre ». La publication pour la première fois par un éditeur de renom d’un livre référent d’un membre du Rassemblement National, relèverait dans cette logique d’un acte démocratique évident.
La deuxième raison est plus pernicieuse : le succès de « Mémoricide » après celui de tous les nombreux ouvrages de Philippe de Villiers, qui relate cette fois la dépossession du peuple français de sa mémoire et de ses grandeurs, est là pour témoigner du carton en librairie des idées de l’extrême-droite. Avec 17 000 exemplaires vendus dans la même semaine, il se classe 6 ème et obtient un cumul de 59 000 exemplaires depuis sa parution. Un phénomène !
Eric Zemmour avait ouvert la voie en réalisant des chiffres de vente exceptionnels jusqu’à lui faire croire qu’il était devenu suffisamment populaire pour se lancer dans la course à l’élection présidentielle. Chaque livre de Philippe de Villiers est un succès assuré. Et désormais Bardella…. « Le récit de la droite extrême est plus fort que celui des idées plus subtiles et modérées », constate une professionnelle.
Il est vrai que les hommes politiques plus mesurés peinent souvent à attirer les lecteurs et végètent plutôt aux alentours de quelques milliers d’exemplaires. La preuve que les Français foncent tête baissée dans les bras du Rassemblement National ? Pas forcément. Ni Philippe de Villiers ni Eric Zemmour n’ont réussi à convertir leur succès d’édition en victoire électorale. Une leçon que devra méditer le jeune et ambitieux Jordan Bardella.