Bardella et l’école : un réactionnaire au tableau noir

par Boris Enet |  publié le 26/06/2024

Nation, réaction, répression, exclusion, sélection… à quand le retour des punitions corporelles? 

Jordan Bardella - D.R

Les éléments de programme de l’extrême-droite pour l’école, rappelés par Jordan Bardella dans sa conférence de presse lundi 24 juin, sont comme on s’en doutait une ode à la réaction et au nationalisme.

Réaction, parce que l’école est caricaturée comme le support des violences et de la décadence démocratique, nées de la démocratisation scolaire. Si l’école va effectivement mal, la solution ne saurait résider en une réaction répressive pour une jeunesse qui ne vit plus au temps de Clovis. L’uniforme, l’interdiction du portable jusqu’à la fin du lycée (sic), le retour du bon vieux bacho garant d’un ordre fantasmé font fi de l’époque, du monde ouvert tel qu’il s’offre aux jeunes générations. Mais aussi des réalités administratives pratiques et universitaires que les cadres du RN maîtrisent toujours aussi mal.

Outre les redites sur le brevet ou le portable au collège, déjà mises en place par Gabriel Attal, la réponse ne peut se réduire à la répression sans volet éducatif. Enfermer les enfants exclus deux fois à l’issue de conseils de discipline jusqu’au terme de leurs études est le meilleur moyen de multiplier les radicalisés. C’est assigner des enfants et adolescents en construction à une identité de délinquants, à l’instar de ce qu’ont vécu des dizaines de milliers de jeunes Espagnols sous le franquisme. Accessoirement, il s’agit d’une négation des droits de l’enfant et des textes qui engagent la France sur le plan international depuis les années 1950.

Nationalisme, parce que tout est passé à la moulinette de l’idéologie du RN, du « récit national » tombé en désuétude en passant par la réécriture des programmes contre « l’idéologie wokiste », le véritable ennemi. Derrière cette pathétique obsession nationale, on retrouve par exemple les programmes de géographie du lycée, ouverts sur le monde et la construction européenne, qui sont dans le viseur. En remettant une carte de France aux murs dans chaque salle, derrière la ligne Maginot, les moutons seront bien gardés. Identitarisme, abêtissement et… tri précoce de cette jeunesse décadente, car s’il s’agit de mettre à l’honneur les filières professionnelles, à côté des parcours généraux, la précocité de l’âge (dès 13 ans !) soulève évidemment questions.

Cela, c’est pour la promesse faite aux milieux populaires de s’élever par les études. La bave aux lèvres, derrière son costume croisé et son débit maîtrisé, Bardella s’apprête à réaliser le vœu de Jean-Marie Le Pen, qui n’a cessé de batailler contre la réforme Haby du collège pour tous de 1975. Si la France va mal, c’est à cause de ses immigrés ; et si son école est abîmée, il faut y voir la toute puissance des pédagogues décadents de l’après 68 peuplant les ministères.

Au RN, on ne s’embarrasse pas de nuances, ni d’une pensée complexe : le manichéisme est la règle, l’état de droit est le carcan à défaire. Encore faudra-t-il marcher sur un milieu éducatif professoral et d’encadrement à qui il reste quelques réflexes lorsque l’essentiel est en jeu : la République.

Boris Enet