Bardella, le faux vaincu ?
Attal a dominé sans trop de difficultés le chef de file de la liste RN. Mais beaucoup d’électeurs se détournent de ceux qui dominent…
Pas facile de débattre avec un Premier ministre en poste, par définition au fait de tous les dossiers en cours qu’il traite toute la journée et disposant d’un imposant cabinet qui lui fournit chiffres et notes. Jadis François Mitterrand, pourtant orfèvre en la matière, s’y était cassé les dents, dominé à l’époque par un Raymond Barre précis et péremptoire. Très logiquement donc, Jordan Bardella été battu aux points par un Gabriel Attal pugnace et acéré.
Ce qui souligne encore le caractère injuste – pour le pas dire frauduleux – de ce débat où le Premier ministre supplée sa candidate défaillante et où deux partis, RN et Renaissance, s’extraient arbitrairement du lot pour récolter un bénéfice politique au détriment de tous les autres, rejetés dans les ténèbres extérieures. Tricherie manifeste destinée à imposer pour la énième fois une fausse alternative aux électeurs : l’extrême-droite ou Macron, carte forcée qui sert de viatique principal à la majorité et qui installe les frontistes en opposition unique. En organisant le débat, le service public de l’audiovisuel n’a servi ni le public, ni l’équité audiovisuelle.
Évitant habilement le débat sur son propre bilan – handicap usuel des gens en place – Attal a focalisé l’attention sur les incohérences du projet RN. Il y avait de quoi faire : les lepénistes voulaient sortir de l’Europe, ils ont annoncé qu’ils ne le voulaient plus : quand ont-ils menti ? Ils participent à la vie de l’Union, de loin, mais c’est pour la dénigrer et la miner de l’intérieur. Ils proposent une « double frontière » contre l’immigration, mais leur projet est flou et juridiquement bancal ; ils veulent imposer une préférence nationale pour les commandes publiques, mais que se passera-t-il si les autres pays européens font la même chose ? Etc.
Quelle que soit sa maîtrise oratoire, qui est rare pour un homme de son âge (28 ans), Jordan Bardella a dû ramer comme un galérien pour justifier ces palinodies. Et donc, encore une fois, il a été démontré que des technocrates macroniens en savaient plus sur la technique que les tribuns populistes. Reste un fort doute : ce combat gagné va-t-il déplacer des voix ? Arborant un sourire narquois, Gabriel Attal était manifestement content de lui. Mais n’est-ce pas l’une des composantes de l’atmosphère ambiante : les électeurs tentés par le RN, il faut le craindre, en ont soupé des gens trop contents d’eux.