Barnier : le négociateur qui ne sait pas négocier
On l’a dit rompu à la discussion et au compromis. Il a surtout réussi à se mettre tout le monde à dos.
Michel Barnier est tombé sur un os. Seulement trois mois après son arrivée à Matignon précédé d’une réputation de fin négociateur, voilà qu’elle semble usurpée. Était-il, en réalité, cet homme politique capable de jeter des ponts entre des rives hostiles?
Il marqua les esprits lors de la négociation pour le Brexit, appelé dès juillet 2016 à représenter la Commission européenne dans le divorce avec le Royaume-Uni, effectif en 2020. Mais le contexte n’avait rien de commun avec les défis qu’il a dû relever en France. Dans les négociations sur le Brexit, les électeurs britanniques avaient choisi la rupture. Le principe de la séparation n’était donc pas à négocier. Ce sont les modalités du divorce qui devaient être discutées avec ces anciens partenaires qui rompaient leur engagement sans vouloir en payer le prix.
Or, les traités européens fixent les conditions d’une sortie de l’UE par l’un de ses membres. L’objectif consistait donc à faire appliquer concrètement ces modalités, en détricotant les liens noués pendant quarante-trois ans. En fait, la ligne était tracée. Et dans le bras de fer qui opposa Michel Barnier pour l’Union européenne et Boris Johnson pour le Royaume Uni, les Britanniques ont gardé le souvenir d’un négociateur français sec et intransigeant pour défendre les intérêts de l’UE.
Policé, mais obstiné
Au total, Michel Barnier a passé quelque quatorze ans à la Commission européenne, où la culture du compromis cimente les relations… mais parfois dérape. Il fut notamment chargé du Marché intérieur après la crise économique de 2008. Celle-ci avait été déclenchée par une crise bancaire : il chercha à introduire un peu de régulation dans l’activité des fonds d’investissements à risque (« hedge funds ») pour enrayer les excès. Louable projet destiné à restaurer l’autorité du politique sur les marchés financiers. Mené à la hussarde, il fut retoqué par ses pairs dans l’ultime ligne droite. Avait-il manqué d’écoute ?
L’année suivante, la crise de pays en difficultés se trouvait exacerbée par les conclusions négatives des agences de notation. Pour briser la spirale du chaos, Michel Barnier voulut empêcher ces établissements spécialisés de noter les pays sous assistance financière. L’objectif était légitime. Mais Michel Barnier, trop solitaire face aux lobbies, braqua les autres commissaires qui ne le suivirent pas.
L’obstination en politique n’est pas toujours un défaut. Encore faut-il être suivi, comme en montagne, où c’est la cordée qui atteint le sommet. Ses adversaires l’ont jugé méprisant. Il en fut de même à Matignon. Sans majorité absolue, le savoyard négociateur n’a pas su combler le vide qui se creusait autour de lui.