Barnier, le pompier anti-Macron

par Valérie Lecasble |  publié le 01/10/2024

La situation de la France est si grave qu’il va falloir verser du sang et des larmes pour la redresser. Dressant un bilan sévère de la gestion Macron, le Premier ministre sonne l’alarme.

Discours de politique générale par le premier ministre Michel Barnier à l'Assemblée Nationale le 1er oct. (Photo by Martin Noda / Hans Lucas via AFP)

La maison France brûle et le pompier Michel Barnier promet d’éteindre les incendies, citant l’ordre de mission donné à Londres par le général de Gaulle en mai 1942 à son aide de camp : « faire beaucoup avec peu ». Avec ce paradoxe à la clé : nommé par Macron et soutenu par les macronistes, le Premier ministre justifie sa politique en pointant le bilan à ses yeux désastreux qu’ils ont légué…

Le feu couve dans deux foyers : la dette budgétaire, la dette écologique. La première est la plus immédiate : la dette publique met la France « au bord du précipice », avec un fardeau de 3 228 milliards d’euros, et un déficit de 6% de la richesse nationale, le plus lourd d’Europe. La situation est d’autant plus grave que personne n’a rien vu venir, lâche-t-il, prononçant implicitement un réquisitoire implacable contre le bilan d’Emmanuel Macron et de son ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, soudain passé à la trappe. « Je dirai la vérité », assène le Premier ministre, sous-entendant que ses prédécesseurs l’avaient cachée.

L’heure est donc à la rigueur : il faut viser les 5% de déficit en 2025 et 3% en… 2029, soit deux années de retard sur l’objectif initial. Herculéens, les efforts porteront sur la réduction des dépenses publiques, conjuguée en principe à une meilleure efficacité, qu’il s’agisse de l’Etat ou des collectivités territoriales. Convaincu que « les Français ont l’impression de ne pas en avoir pour leurs impôts », Michel Barnier vise en priorité l’école, le premier poste du budget. Mais il traquera aussi les doublons, les gaspillages, les fraudes fiscales et sociales, notamment celle qui touchent à la carte vitale. Il fera aussi déménager en banlieue ceux qui, au sein de l’Etat ou dans les établissements publics, « louent à prix d’or des locaux dans le centre de Paris » et exigera davantage de productivité des équipes des directeurs d’administration centrale.

Moins de dépenses, mieux utilisées, c’est la clé du redressement du pays. Non sans quelque flou dans les annonces : il faudra attendre le début de la semaine prochaine et le débat sur le budget, pour savoir quelles coupes seront décidées. Idem pour le dernier volet, celui des impôts exceptionnels sur les grandes entreprises, assortis d’une contribution des Français les plus fortunés, sans qu’on sache qui sera touché et dans quelles proportions.

Ce remède de cheval est enveloppé d’onction et d’égards : « écoute, respect et dialogue entre le gouvernement et le Parlement », dit Barnier, afin de permettre aux députés et sénateurs de s’impliquer davantage en examinant moins de lois avec plus de temps pour en débattre. « Sur une ligne de crête », Michel Barnier met aussi la dette écologique au cœur de son action, empruntant cette fois à Pierre-Mendès France la volonté de « ne jamais sacrifier l’avenir au présent », associée à une formule plutôt heureuse : « nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons auprès de nos enfants ».

Face à ces deux réalités, budgétaire et climatique, que certains, affirme Michel Barnier, veulent ignorer, il refuse de se mettre la tête dans le sable, une critique à peine voilée à l’adresse du bloc central qui n’a pas voulu regarder en face la situation du pays. Est-ce pour s’en exonérer que Gabriel Attal, encore locataire de Matignon il y a quelques semaines, se montre plus critique dans sa réponse que ne l’a été Marine Le Pen ? Sans doute, mais le pompier Barnier s’emploie aussi à désarmer les oppositions en leur jetant quelques concessions à ronger.

À commencer par le Rassemblement National, à qui il offre en vrac un coup de frein sur l’immigration, la création d’établissements pour des peines courtes, l’augmentation du délai de rétention et, en prime, la proportionnelle, qui sied aussi à François Bayrou. Il tend la main à Gabriel Attal, en respectant sa priorité sur la limitation des dépenses et sa défense des grandes lois sociétales, mariage pour tous, PMA, IVG. Il flatte enfin Gérald Darmanin qu’il pense à citer en particulier. Un discours de facture classique, mais aussi lucide et calculé, qui se situe au barycentre de sa petite majorité. Sous cet angle, qui est celui d’un centre-droit pimenté de quelques pincées lepénoïdes, il a plutôt réussi son entrée.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique