Bayrou dans le nœud coulant de la dette

par Gilles Bridier |  publié le 15/12/2024

Le nouveau Premier ministre va devoir s’atteler d’urgence à maîtriser la dette publique dont les intérêts amputent les marges de manoeuvre de l’Etat.

Illustration - Agence de notation financière, logo Moody's et grille de notation sur écran. (Photo Jean-Marc Barrère / Hans Lucas via AFP)

Le coup de semonce à l’endroit du nouveau Premier ministre est sans équivoque: le jour même de la nomination de François Bayrou à Matignon, l’agence de notation Moody’s a abaissé la note de la France sur les marchés financiers. Dans l’immédiat, il s’agit d’un avertissement sans frais, puisque l’agence en question n’avait pas suivi sa consœur Standard & Poor’s en mai dernier lorsque celle-ci avait dégradé la note de la France. En octobre toutefois, Moody’s avait placé sa note de la France sous perspective négative, avertissement réitéré avec plus de force au lendemain de la censure du gouvernement Barnier. Elle a donc, avec le changement de gouvernement, procédé à un ajustement auquel les marchés s’attendaient, et qu’ils avaient anticipé.

2% du PIB en intérêts

Cette rétrogradation est un mauvais signal pour la qualité de la signature de la France. Elle signifie notamment que l’agence de notation n’anticipe pas d’amélioration des comptes du pays (avec un budget déficitaire de 6,1% en 2024). Non qu’elle émette des doutes sur l’attention prêtée par François Bayrou au problème de la dette; au contraire, il s’est toujours montré très soucieux de la question tout au long de sa carrière. Néanmoins, Moody’s prend acte de l’instabilité politique qui empêche de définir les conditions d’un redressement budgétaire.

Toutefois, l’Agence France Trésor qui gère la dette de France n’a aucun souci à se faire sur la façon dont seront souscrits les emprunts qu’elle lancera. La France jouit toujours d’une note appréciable. Mais les taux d’intérêt seront plus élevés, et le service de la dette – c’est à dire les intérêts versés aux créanciers – seront plus lourds. Ils approchent aujourd’hui 2% du produit intérieur brut (PIB), rognant toujours plus les ailes de l’Etat providence. A ce titre, la dette du pays concerne directement le quotidien des Français, inquiets pour 86% d’entre eux du niveau atteint, selon l’institut de sondage Elabe.

Pression et dépendance

On pourra juger illégitime la pression implicitement exercée par les agences de notation sur la politique d’un pays et les décisions du peuple souverain. Mais pour se dégager de cette pression, il faudrait d’abord maîtriser la dette et ne pas la laisser déraper, à défaut de s’en désintoxiquer. Or, pour 2024, la loi de finances prévoyait l’émission de titres d’Etat pour 285 milliards d’euros, soit 15 milliards de plus qu’en 2023. Aujourd’hui la France traîne une dette publique 3.228 milliards de dette représentant 112% du produit intérieur brut, indique l’Insee. Pour 2025, ce ne sont pas moins de 300 milliards qui devront être souscrits. Les besoins augmentent en même temps que la note de la France recule. Dans ces conditions, les intérêts générés par cette dette s’alourdissent. De quelque 52 milliards d’euros en 2024, la charge de la dette pourrait approcher 60 milliards en 2025 et 72 milliards en 2027, selon les projections du gouvernement à l’été dernier !

En outre, les perspectives économiques sont moroses. Les projections de hausse du PIB émises par l’OCDE sont limitées pour la France à 0,9 % pour 2025 et 1% pour 2026, en-dessous de la moyenne de la zone euro. Et près de quatre fois moins que les perspectives de croissance aux États-Unis. Une tendance qu’il va falloir redresser pour rassurer les investisseurs et éviter une délocalisation des emplois…

Dans une économie dopée par la dette, il est plus difficile de s’extraire de cette dépendance lorsque la conjoncture est mauvaise. Plus difficile, donc, de revenir à une trajectoire d’équilibre budgétaire. Et plus les sommes versées au titre des intérêts augmentent, plus elles réduisent les capacités d’intervention de l’Etat dans notamment dans la santé, l’éducation nationale, la sécurité ou l’aide aux entreprises… C’est la spirale infernale de la dépendance. Et comme cette dette est détenue à 55% par des fonds étrangers, il est illusoire de prétendre qu’elle pourrait être facilement renégociée. C’est le genre de fanfaronnade juste bon à relever un peu plus les taux d’intérêt !

Gilles Bridier