Benjamin Netanyahou : la religion obscure de la force

publié le 10/05/2024

Sioniste révisionniste, soumis aux partisans du Grand Israël, il se veut le garant des Israéliens et ne leur apporte qu’une escalade dangereuse. Par Marc Lefèvre 

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'un rassemblement du parti Likoud à Ramat Gan. Photo Artur Widak / NurPhoto

L’hymne de l’État d’Israël est l’Hatikva, qui signifie l’Espérance. Une Espérance portée par les fondateurs et les acteurs principaux du mouvement sioniste jusqu’à la création de l’État d’Israël. L’ Espérance qu’un cadre territorial et étatique amènerait à une « normalisation » du peuple juif dans sa composition sociale et sociologique, et dans sa relation avec les autres peuples du Monde.

Une espérance qu’un cadre national retrouvé ferait des Juifs un « Peuple comme les autres », épuiserait les ressources de l’antisémitisme, et garantirait la continuation d’une histoire juive délivrée des risques d’un anéantissement.

À l’inverse de cette vision volontariste et optimiste, le courant idéologique et politique dans lequel s’inscrit Benjamin Netanyahou est fondamentalement pessimiste, c’est celui du sionisme « révisionniste » fondé par Zeev Jabotinsky. Un nationalisme d’autodéfense exacerbé, se référant aux traumatismes des pogroms de la Russie tsariste, et posant comme postulat que le Monde extérieur sera toujours hostile aux Juifs, et que seule la force pourra les sauver.

Bension Netanyahou père de Benjamin Netanyahou, était un pur produit de cette idéologie. Un temps secrétaire particulier de Zeev Jabotinsky, et admirateur comme lui de Mussolini, Bension Netanyahou était un historien dont les thèses sur un antisémitisme irrémédiable et éternel, étaient ostracisées par l’élite intellectuelle des débuts de l’État d’Israël.

Il est impossible de comprendre le parcours et le bilan politique de Benjamin Netanyahou si on ne prend pas en compte l’influence notoire et revendiquée de ce père qui l’a accompagné et guidé dans sa carrière politique jusqu’à sa mort à 102 ans en 2012.

Itzhak Rabin, artisan des Accords d’Oslo de 1993, était lui le porteur d’un processus de paix qui aurait pu conduire à une intégration et une acceptation de l’État d’Israël dans son environnement géographique et politique. Héros militaire de la guerre d’indépendance de 1948, et Chef d’État Major victorieux de la Guerre des 6 jours, il avait fait le choix conscient des risques de la paix face à l’inéluctabilité de guerres sans fin.

Au rebours de cette approche à la fois audacieuse et prudente, Benjamin Netanyahou politicien au passé militaire modeste, mais démagogue habile et retors, a fait le choix d’être le porte-parole du scepticisme et de la méfiance. Il a mis ses talents de tribun au service des irréductibles partisans d’un Grand Israël de la Mer au Jourdain, posant comme postulat que seules la soumission et la reddition de l’adversaire par la force, amèneront une paix éventuelle. Cette rhétorique a conduit à l’assassinat de Itzhak Rabin. Elle a marqué la fin de l’espérance et le début du règne de la désespérance et de la soumission à la force seule.

Benjamin Netanyahou a continué sur cette voie tout au long de sa carrière politique. Les raisons de ne pas être optimiste étant nombreuses compte tenu de l’environnement politique d’Israël, et en particulier des erreurs et des choix du mouvement national palestinien, Benjamin Netanyahou a décidé de jouer sur les peurs et les appréhensions. S’employant continûment à alimenter les antagonismes sociaux ethniques et culturels internes à la société israélienne, il a survécu politiquement par une succession d’alliances opportunistes, en ne trouvant jamais en face de lui un adversaire à sa taille et capable de questionner ces postulats idéologiques.

Mais pour arriver où et à quoi ? À la pire situation d’insécurité depuis la naissance de l’État d’Israël en 1948. Le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre, une campagne militaire aux objectifs illusoires en l’absence de perspectives politiques, les escalades de moins en moins contrôlables avec le Hezbollah et l’Iran, montre que Benjamin Netanyahou et ceux qui ont accepté de le suivre, sont au bout de leur chemin. Le parti pris de la survie par le seul exercice de la force fait aujourd’hui la démonstration de sa cruelle et tragique absurdité.

Benjamin Netanyahou a voulu faire croire aux Israéliens qu’il était leur garant et leur rempart contre les extrémistes. Il fait la démonstration inverse qu’il a été berné et manipulé par le Hamas, et qu’au sein de son gouvernement il est tenu en otage par ses franges les plus radicales.

L’État d’Israël est dans une impasse militaire et politique, et de plus en plus isolé dans le monde. Qui au sein de la société israélienne, qui parmi les acteurs extérieurs, aura la force de signifier la fin de partie avant de nouvelles morts inutiles ?