Bienvenue à Bounga Bounga Airport

par Marcelle Padovani |  publié le 17/07/2024

Rebaptisé « Silvio Berlusconi », l’aéroport de Milan a d’abord fait rire. Et puis la polémique politique a pris le dessus.

Silvio Berlusconi , leader du parti Forza Italia- Photo Tiziana FABI / AFP

Les Italiens – la majorité d’entre eux, en tout cas – ont beaucoup ri le 5 juillet, lorsque la nouvelle est tombée : l’aéroport de Malpensa, à Milan, était rebaptisé « Aéroport Silvio Berlusconi », du nom de l’ex-Président du Conseil et patron du puissant pole télé Mediaset, décédé le 12 juin 2023. Car l’attribution de ce gigantesque aéroport situé à 50 kms au nord de Milan, avec ses 21millions de passagers et ses 800.000 tonnes de marchandises l’an, n’était ni un cadeau ni un hommage posthume.

Ce fut surtout une occasion pour tous de se lancer dans de bonnes blagues évocatrices. « Vive l’aéroport bounga bounga ! », se sont ainsi écriés les employés sur le terrain, relayés par les réseaux sociaux, puis par le bon peuple qui semblait ne semblait n’attribuer à l’héritage berlusconien que ses légendaires festins érotiques, que le « Cavaliere » avait lui-même baptisés « bounga bounga » (un néologisme d’origine australienne, pour les non-initiés). »Me voilà enfin »

« Me voilà enfin »

Les médias ont pris le relais. Le Corriere della sera s’est vite distingué avec une caricature où l’on voyait Berlusconi débouler désinvolte au paradis et saluer à l’arrivée, placés sur le classique nuage des dessinateurs, le génial et incomparable Leonard de Vinci (aéroport de Rome), le cinéaste Federico Fellini (aéroport de Rimini), et le musicien Giuseppe Verdi (aéroport de Parme) d’un « Me voilà enfin ! », leur disait Et aujourd’hui quiconque atterrit dans ce maudit aéroport se voit interpellé comme voyageur « bounga bounga ».

Mais il y a plus sérieux : la plupart des syndicats et le Parti démocrate, qui n’oublient rien des dures années Berlusconi, ont présenté un recours devant le tribunal administratif dans le but de débaptiser le hub milanais. C’est possible, semble-t-il, parce que le choix de ce nom de baptême a été fait en l’absence de toute consultation de la part de l’ENAV, la société gestionnaire des aéroports. Ni le maire de Milan, ni la famille du disparu n’ont en effet été entendus. On a ainsi découvert dans les médias que Marina et Piersilvio, les fils ainés de Silvio Berlusconi, auraient préféré « attendre quelques années » pour une telle décision. Et que même Forza Italia, le parti du Cavaliere, lui, proclamait que « cette décision n’est pas la nôtre ». 

Le ton s’est donc envenimé et la polémique politique a fini par enterrer les bonnes blagues. On est alors passé à une sorte de deuxième enterrement berlusconien. C’est le député écolo Marco Grimaldi qui a mis fin à toute discussion en déclarant que « l’aéroport de Malpensa ne peut être dédié à une personne condamnée pour fraude fiscale , falsification de bilan, appropriation injustifiée et gestion de fonds illégaux ». Le bounga bounga ne sera peut-être pas éternel et Malpensa n’a pas dit son dernier mot. 

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome