Big Bangs chez Boeing

par Malik Henni |  publié le 12/03/2024

Une roue perdue au décollage, une porte de soute qui s’ouvre en plein vol, un lanceur d’alertes retrouvée mort d’une « blessure auto-infligée » à la tête…

Une feuille de plastique recouvre une partie du fuselage de l'avion Alaska Airlines Boeing 737 MAX 9 à l'extérieur d'un hangar à l'aéroport international de Portland, Oregon, suite à une rupture de fuselage en plein vol le vendredi 5 janvier.

Le principal concurrent américain de l’Européen Airbus est en crise. Après les images qui ont fait le tour du monde de la porte d’un Boeing d’Alaska Airlines, le 5 janvier dernier, qui s’ouvre alors que l’avion prend de l’altitude, chaque semaine apporte son lot de déboires pour l’un des avions du constructeur. 50 personnes avaient été blessées, dont une grièvement, à cause de quatre boulons manquants. 

C’est au tour de la soute aux animaux d’un vol Mexico – Portland de s’ouvrir, sans qu’aucune perte ne soit à déplorer. Le 7 mars, un autre Boeing a perdu une roue au décollage et a dû atterrir en urgence. En 2019, les Boeing 737 Dreamliner, avaient été cloués au sol par la plupart des états du monde à la suite de deux crashs ayant coûté la vie à plus de 300 personnes.

Tous ces incidents ont amené l’État américain à se pencher sur les raisons de ces dangereuses avaries. Si la multinationale blâme l’absence d’entretien des avions par les compagnies qui en ont la charge, elle n’oublie cependant pas d’ouvrir des négociations de rachat de l’un de ses principaux sous-traitant, Spirit Aerosystems, pour réinternaliser une partie de sa production, à rebours de sa stratégie depuis 20 ans.

L’action en bourse de Boeing a plongé de 26 % depuis l’incident de début janvier, et les dommages en termes d’image du grand public semblent difficilement rattrapables à court terme. Le slogan « If it’s not Boeing, I’m not going » semble bien loin. La confiance des compagnies aériennes, les clients du constructeur, semble elle se maintenir.

Malheureusement, l’affaire a pris un tour tragique avec la découverte du corps de John Barnett, 62 ans, ancien salarié à la retraite depuis 2017. Responsable qualité d’une chaîne de montage chez Boeing, il avait dénoncé les normes de production non respectées par l’entreprise et avait intenté une action en justice. Les pressions de l’entreprise sur ses salariés les auraient conduites à bâcler leur travail, notamment en utilisant des pièces défectueuses sur les avions.

Il pointait notamment la faible qualité des systèmes de masques à oxygène, dont le déclenchement automatique en cas de besoin ne serait pas assuré. Ses craintes ont été en partie confirmées par la Federal Aviation Administration (FAA), le gendarme du ciel américain, en 2017. La semaine dernière, la FAA a laissé 3 mois à Boeing pour mettre en place un plan global exigeant pour corriger « les problèmes systémiques de contrôle qualité ».

Après avoir été entendu une première fois la semaine dernière, il devait l’être à nouveau ce samedi, mais a été retrouvé… mort d’une blessure « auto-infligée à la tête », dans son camion garé sur le parking de l’hôtel où il logeait. Boeing a exprimé ses condoléances à la famille.

Malik Henni