Black bloc : l’anarchisme des imbéciles

par Laurent Joffrin |  publié le 02/05/2023

Loin de mettre en difficulté l’État, les activistes qui polluent sans cesse les manifestations syndicales sont les alliés fidèles de l’ordre établi

Photo: Philippe Matsas

August Bebel, socialiste allemand, l’un des fondateurs du SPD, indigné des tendances anti-juives perceptibles dans le mouvement ouvrier, définissait l’antisémitisme comme « le socialisme des imbéciles ». Il faut reprendre sa formule pour qualifier aujourd’hui les agissements hautement crétins et condamnables de cette variante violente de l’anarchisme connue sous le nom de « black bloc », qui ne cesse de polluer les manifestations syndicales contre la réforme des retraites.

Mouvement activiste informel, antiautoritaire et anticapitaliste, la nébuleuse « black-bloc » se targue de défier « le système » par ses actions violentes en marge des cortèges de travailleurs. Il peut glorieusement revendiquer la destruction de dizaines d’abribus, symboles bien connus de l’oppression libérale, de centaines de vitrines de commerçants qui ont le grand tort d’être peu familiers des doctrines de Kropotkine ou de Pierre-Joseph Proudhon.

Ils peuvent aussi s’enorgueillir – nec plus ultra de la contestation – d’avoir blessé, parfois gravement, des centaines de policiers platement affectés à la défense de la légalité, dont l’un a failli, lors des défilés du 1er mai, être brûlé vif par l’explosion d’un cocktail Molotov.

Cette intelligente méthode d’action a plusieurs conséquences. Elle met sur la défensive un mouvement syndical qui avait réussi à démontrer sa représentativité en organisant des cortèges massifs, pacifiques et populaires.

Elle tend à associer, dans l’esprit du public, la manifestation sociale et la violence émeutière, servant ainsi les intérêts du gouvernement, qui peut se présenter en garant de l’ordre démocratique face aux débordements de la rue. Elle permet enfin à la droite de réclamer, avec des arguments tangibles, le renforcement des législations liberticides destinées à réprimer les débordements qui émaillent les manifestations.

Bref, les black blocs, loin des artifices rhétoriques qui camouflent leur indigence intellectuelle, sont les alliés constants et zélés de l’ordre établi. Ils se croient rebelles du système. Ils pratiquent l’anarchisme des imbéciles.

Laurent Joffrin