Bolloré dévore le livre
Presse écrite, audiovisuel et maintenant l’édition, Vincent Bolloré avance ses pions idéologiques. Aujourd’hui, Lise Boëll , éditrice d’Éric Zemmour et de Philippe de Villiers
« Cela ne sert à rien de crier avant d’avoir mal », avait énoncé Arnaud Lagardère tandis que Vincent Bolloré se mettait en ordre de marche pour acquérir le groupe Hachette, un empire puissant de maisons d’édition comprenant notamment Grasset, Stock, Fayard ou Lattès. Et bien il est temps de crier parce que ça commence à faire très mal. La guerre culturelle aura bien lieu, en amont des différentes élections à venir et en écho au combat politique. Déclenchée par Vincent Bolloré (groupe Vivendi), portée par Arnaud Lagardère, Hachette vient de faire un pas supplémentaire en s’adjoignant une transfuge du groupe Editis racheté à Vivendi par Daniel Kretinski et présidé désormais par Denis Olivennes.
Lise Boëll n’est pas connue du grand public. Éditrice auparavant chez Albin Michel, elle l’a quitté suite au refus de son employeur de publier un nouveau titre d’Éric Zemmour après le grand succès du « Suicide français ». Elle avait été engagée par Bolloré au sein du groupe Editis jusqu’à devenir directrice des éditions Plon qu’elle vient également de quitter il y a quelques semaines. C’est donc sans surprise que l’on apprend qu’elle suit son mentor et vient d’être engagé au sein du groupe Hachette, à la tête désormais de la maison Mazarine.
Ne nous trompons pas d’échelle. Mazarine n’est pas un fleuron du groupe Hachette et Lise Boëll espérait très certainement une maison plus prestigieuse comme Fayard, dirigée par Isabelle Saporta, l’éditrice du dernier volume de mémoires de Nicolas Sarkozy ou Lattès. Il fait peu de doute que, contrairement à son habitude ,Vincent Bolloré n’est pas allé au bout de son intention initiale et que, confronté à différentes levées de boucliers, il a dû, pour un temps au moins, se contenter d’imposer sa protégée à la tête d’un label de seconde zone.
Inutile également de reprendre les critiques acerbes concernant le fonctionnement professionnel et le management de Lise Boëll , ce n’est pas là que le bât blesse . Inutile enfin de pointer tel ou tel nom, celui de Lise Boëll est au fond presque anecdotique, l’important est ailleurs.
Lise Boëll, qui a acquis ses compétences à l’origine dans l’édition jeunesse et s’est également singularisée par quelques succès dans des matières inoffensives, est devenue un symbole. Celui de l’édition furieusement engagée vers l’extrême-droite. Éditrice d’Éric Zemmour, elle l’est aussi de Philippe de Villiers.
Ce qui se précise de mouvement en mouvement, c’est la concentration d’un camp idéologique qui se muscle et s’organise.
Presse écrite (Geoffroy Lejeune au JDD), audiovisuel (Cnews), édition désormais. Parce que c’est un projet parfaitement concerté, il n’y a aucune raison qu’il s’en arrête là. Vincent Bolloré, en son nom propre ou à travers Arnaud Lagardère, déroule son programme d’emprise culturelle. Il devient urgent que, face à lui, il trouve le répondant nécessaire.