Bolloré : la retraite d’Italie

par Marcelle Padovani |  publié le 21/10/2023

La presse transalpine titre, impitoyable : « Fin de la campagne d’Italie ». Et relate, sans pitié, les mésaventures locales de Vincent Bolloré

Vincent Bollore, président du groupe Bollore, prononce un discours lors de l'inauguration de l'usine de batteries électriques de Batscap. Le fabricant de batteries(groupe détenu par le groupe d'investissement français Bollore), développe avec le constructeur automobile italien Pininfarina la Blue Car, une voiture électrique qui sera commercialisée dans six pays européens ainsi qu'en Amérique du Nord et en Asie - Photo Fred TANNEAU / AFP

Il s’est rué sur la Péninsule, il y a presque un quart de siècle, avec un appétit toujours féroce. Mais, Vincent Bolloré risque, dans les deux mois qui viennent, de devoir faire ses valises. Et de repasser les Alpes avec armes et bagages. Il avait pourtant le vent en poupe lorsqu’il se parachute au capital de Mediobanca, banque d’affaires, temple de la finance italienne, au conseil d’administration duquel siègent toutes les grandes entreprises du pays. Une vraie tour de contrôle du capitalisme transalpin.

« Il va nous dévorer » ,  assurent les médias locaux, soulignant la présence à ses côtés du français Antoine Bernheim, associé-gérant de la banque d’affaires Lazard. Un redoutable monteur de coups financiers qui murmure alors à l’oreille de pur-sang tels Bernard Arnaud ou François Pinault. Après Mediobanca, il lance une OPA sur Mediaset, le groupe de Silvio Berlusconi dont Vincent Bolloré acquiert jusqu’à 30 % du capital. Enfin, baroud d’honneur sur Telecom Italia (TIM ). Il y restera le premier actionnaire avec 24 % du capital, mais finira par perdre jusqu’à 3 milliards d’euros.

L’Italie frémit à l’éventualité de brutales prédations sur le quotidien « La Repubblica », ou « Il Secolo IXI ». En 2015, La journaliste Fiorina Capozzi consacre un essai au milliardaire breton titré « Vincent Bolloré, il nuovo re dei media europei », le nouveau roi des médias européens. La communication représente alors 61 % de son chiffre d’affaires. L’ogre venu du Nord semblait prêt à dévorer banques, télévisions, quotidiens, télécommunication… Certains avancent même l’hypothèse de possibles ambitions politiques en Italie. Que reste-t-il aujourd’hui de tout cela ?

Des sarcasmes. Lors d’une rencontre avec des journalistes que Berlusconi et Bolloré voulaient séduire, ces derniers racontent :  « le premier offrait des cravates de luxe signées Marinella, le second des bouteilles d’un vin de sa production qui sentait le bouchon ». Pourtant, en débarquant en Italie, le président de Vivendi n’avait pas suscité au départ de réactions hostiles, ou humiliantes, aujourd’hui le jugement est sans appel.

« Il était parvenu à entrer par la porte principale dans le capitalisme italien, il a gâché sa chance », dit l’un. « Une espèce de vice du financier » l’a perdu, dit l’autre. Un troisième rappelle qu’il s’est fait condamner en 2014 pour « manipulation des marchés ». 

À l’échéance des mois prochains, Vincent Bolloré qui, entre temps, a passé le sceptre à son fils Yannick, va jouer avec l’affaire Telecom sa dernière partie en Italie. Il s’est fait mettre en minorité au cours de la dernière assemblée par le fonds d’investissement américain Elliott que dirige Paul Singer son principal ennemi. Il risque un second KO, de la main d’un autre fond américain, KKR, qui a offert 23 milliards d’euros pour l’achat du réseau TIM alors que Bolloré en veut 31.

Tout le monde lui prédit une sinistre double défaite. « Addio Italia , Signor Bolloré ? ».

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome