Bons baisers de Washington
Tandis que le chancelier Scholz, en sursis, se couche à nouveau, Joe Biden, à deux mois du terme de son mandat, autorise Kyiv à frapper la Russie en profondeur avec des missiles ATACMS, d’une portée de 300 kilomètres.
Le vieux lion n’a plus rien à espérer et surtout plus grand-chose à craindre. Tandis que la passation des pouvoirs, qu’il veut tranquillisée et pacifique, est entrée dans une phase active, le président démocrate peut désormais s’autoriser ce à quoi il s’est toujours refusé jusqu’alors.
Quel en a été le déclencheur ? La confirmation du déploiement de près de 12 000 soldats nord-coréens, la dernière salve criminelle en réponse au piteux coup de téléphone du chancelier allemand ou bien une forme d’abandon du vieux dirigeant comme un dernier pied de nez à son successeur illibéral ?
Peu importe. En agissant ainsi, Biden sert la cause de l’Ukraine en anticipant une probable offensive sur Koursk et sa région, toujours aux mains des soldats de Zelenski. Alors que les français et les britanniques avaient déjà envisagé une telle utilisation de leurs missiles SCALP et Storm Shadow, la décision actée de la Maison-Blanche est d’une autre portée, compte tenu du nombre de missiles américains à disposition.
Malgré ses faiblesses, ses pertes de mémoire et ses gaffes, Biden démontre sa compréhension des enjeux du moment. Il offre la possibilité aux européens de saisir la balle au bond, à l’instar du ministre des Affaires étrangères polonaises qui salue l’importance du changement.
Dans cette période de vives tensions, cette décision distingue une trempe de dirigeants capables de se hisser à la hauteur des enjeux et une ribambelle de politiciens confondant leur petit destin national avec l’avenir du continent. Parmi ceux-ci, on relèvera la dernière idiotie en date de Jean-Luc Mélenchon : « Les Français doivent se précipiter pour proposer un cessez-le-feu. Les Ukrainiens et les Russes y sont prêts. » Nul doute que les Ukrainiens apprécieront après l’intensité des attaques subies réparties sur l’ensemble du territoire, le 17 novembre.
Outre-Rhin, ce n’est guère mieux. Pensant sauver les meubles, le chancelier du SPD, Olaf Scholz, a utilisé les tragiques circonstances pour joindre le Kremlin, croyant dénouer un conflit dont il ne supporte plus la charge. Encore raté. Non seulement, il sera évincé aux prochaines législatives anticipées, roi nu d’une coalition incohérente, par-delà les difficultés du moment, mais il contribue aussi à affaiblir une diplomatie européenne commune et son pendant militaire qu’il ne cesse d’entraver. Emmanuel Macron, lui aussi, s’y était essayé, du temps de sa splendeur toute relative sur la scène continentale, avant d’en revenir penaud et d’en tirer tardivement les conséquences.
Accepter la discussion avec Poutine lorsqu’il attaque l’un des nôtres, revient à ignorer la nature de son régime impérialiste, dictatorial et policier, imposant une inflation de près de 20% à sa population dans une économie reconvertie en économie de guerre.
Le résultat de l’élection présidentielle américaine n’autorise plus d’énièmes renoncements et tergiversations, mais un renforcement immédiat de l’aide européenne à la veille de l’hiver. A presque trente ans de la signature du mémorandum de Budapest devant garantir la sécurité de l’Ukraine, c’est la condition impérieuse à de futures négociations, le moment venu.