Boom à Wall Street, krach pour le climat

par Gilles Bridier |  publié le 26/11/2024

Le retour de Donald Trump dope la bourse américaine et ruine la lutte contre le dérèglement climatique.

Des traders à la Bourse de New York (NYSE) le 12 novembre 2024 à New York. Le Dow Jones avait clôturé à des niveaux records. (Photo SPENCER PLATT / Getty Images via AFP)

Trump à la Maison Blanche, Wall Street à la fête ! Le retour programmé de l’ancien président vainqueur de l’élection américaine du 5 novembre, a dopé le Dow Jones, principal indice de la bourse de New-York. En deux jours seulement, l’indice en question a aussitôt gagné près de 5%, enregistrant un record historique. Il a ensuite repris son souffle et il est reparti à la hausse. Les engagements de Donald Trump en faveur du « America First » et les promesses d’allègements fiscaux pour les entreprises basées outre Atlantique, combinées avec un relèvement des mesures protectionnistes, ont boosté les valeurs américaines. Mais pas toutes!

Du pétrole jusqu’à plus soif

Grands gagnants de ce sursaut boursier, les groupes du secteur pétrolier vont bénéficier de la politique du futur président pour le développement des forages américains. Redevenus premier producteur de pétrole, les Etats-Unis veulent en extraire jusqu’à plus soif et pousser leur avantage dans les combustibles fossiles, quels que soient les risques causés par la fracturation hydraulique. Comme il l’avait déjà décidé lors de son premier mandat, Donald Trump devrait sortir les Etats-Unis de l’accord de Paris pour la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Objectif : alimenter l’économie américaine avec une énergie bon marché.

Bonne nouvelle pour Wall Street, exécrable nouvelle pour le climat. Dans le sillage de cette politique, les constructeurs automobiles américains Ford et General Motors qui accusaient un retard certain dans la mise au point des voitures électriques, reprennent aussi des couleurs. Tant pis pour les producteurs de panneaux photovoltaïques, d’éoliennes ou de voitures électriques ! Ils ont lourdement dévissé en bourse, accusant des chutes à deux chiffres. Seul Tesla marque des points… grâce à la consécration d’Elon Musk au côté de Donal Trump.

L’individualisme à la corbeille

Pourtant, le territoire américain n’est pas épargné par les effets du dérèglement climatiques, qu’il s’agisse d’inondations monstres sous l’effet d’ouragans meurtriers ou de mégafeux amplifiés par des sécheresses inédites. Mais la logique boursière s’en moque. Une seule question l’intéresse : quels investissements pour quelles perspectives de bénéfices? La décarbonation de l’économie suppose des visions à long terme pour lesquelles les retours sur investissement sont plus risqués. C’est pour pallier ce handicap qu’en 2022 l’administration Biden avait promulgué l’IRA (Inflation Reduction Act). Ce plan à plusieurs centaines de milliards de dollars avait pour objectif de promouvoir les énergies propres en compensant leur manque de profitabilité. Elles échappaient ainsi aux seules lois des marchés. Mais Donald Trump s’étant prononcé en faveur d’un détricotage de l’IRA, les perspectives de rentabilité des industries vertes reculent, et la vision à court terme des marchés reprennent le dessus.

On dira que la bourse est pragmatique, à New-York comme à Paris ou à Londres. Que la transition énergétique devienne profitable, et les marchés la soutiendront. Mais les États ne peuvent pas laisser les marchés décider seuls de l’avenir de la planète. La transition doit être pilotée par des politiques publiques, comme le démontre Jean Pisani-Ferry dans son rapport de 2023. Et elle doit faire l’objet d’une action collective pour que les efforts qu’elle implique dans les modes de vie soient partagés et acceptés. C’est tout l’inverse auquel on assiste avec l’illustration en bourse du slogan Make America Great Again (MAGA)) de Donald Trump. En s’exonérant en partie de la mobilisation pour le climat, le pragmatisme des marchés tourne au cynisme. D’aucuns les jugeraient immoraux, si ce n’était un pléonasme.

Gilles Bridier