Bourses : Trump joue avec le feu
En torpillant les échanges commerciaux internationaux, Donald Trump crée les conditions d’un krach boursier, qui peut dégénérer en récession mondiale. A ce stade, pas de panique chez les épargnants. Jusqu’à quand ?

Ce fut un nouveau « jeudi noir », après celui du 24 octobre 1929. Le 3 avril 2024, quelque 6.000 milliards de dollars se sont évaporés sur les marchés boursiers mondiaux au lendemain de la présentation par Donald Trump des nouveaux droits de douane que son administration va appliquer au monde entier. Des taux établis au doigt mouillé, par pure idéologie, sans que les Etats-Unis n’y soient contraints. Face à tant d’irrationalité, le krach boursier n’est pas loin.
Les marchés financiers détestent l’incertitude. Toutefois, la fièvre excessive qui s’empare parfois des places financières peut être suivie dès le lendemain par une correction technique dont les investisseurs sont coutumiers. Il n’en fut rien… notamment parce que la Chine, ripostant sans délai à Donald Trump, annonçait une hausse symétrique des droits de douane de 34% sur les importations américaines, portant la fébrilité à son comble. Aussi le vendredi 4 avril, les indices se sont enfoncés un peu plus dans le rouge. En une semaine, l’indice Nikkei à Tokyo a ainsi dégringolé de 10,6%, le CAC 40 à Paris et le Dax à Berlin ont perdu chacun un peu plus de 8% alors que le FTSE 100 à Londres a limité la perte à 6%. Sur la place américaine de New York, le Dow Jones a chuté de 6,6% sur la période, et l’indice Nasdaq des valeurs technologiques de 9,4%.
Wall Street à qui Donald Trump avait promis monts et merveilles, est allergique à la potion amère de sa stratégie protectionniste et inflationniste. La présentation des nouvelles taxes frappe de plein fouet les valeurs vedettes. En deux jours, Meta et Apple perdent plus de 16%, Microsoft et Alphabet cèdent 6,5%, et l’action Tesla, déjà très chahutée, recule de 14% en deux jours. Mais par rapport au début de l’année, le recul de toutes ces valeurs phares tourne entre 15% et 20%, et même 40% pour Tesla.
Les fluctuations boursières, sous l’effet de la spéculation, sont parfois déconnectées de l’économie réelle. Mais cette fois, elles semblent plutôt annoncer un séisme à venir… au cas où le président américain persisterait dans son entreprise de torpillage du commerce international, comme il l’assure. Certains parient sur un changement de cap de la Maison Blanche, après un feu d’artifice de taxes destiné à pousser ses interlocuteurs internationaux à négocier des assouplissements à l’avantage des États-Unis. D’autres estiment que les valeurs de la tech avaient touché de tels sommets qu’un réajustement est plutôt raisonnable pour éviter la création d’une bulle qui, comme toutes les bulles, finirait par éclater. D’autres enfin, misant sur un futur redressement des cours et de bonnes affaires à réaliser, sont prêts à réinvestir lorsqu‘ils estimeront que la purge est terminée et qu’un plancher aura été atteint.
Pas de panique, pour l’instant, chez les actionnaires, notamment chez des petits épargnants, souvent fort résilients dans les tempêtes boursières. Mais toutes les familles américaines possèdent des actions et les revenus des retraités dépendent de la santé des fonds de pension fortement investis en bourse. Or, le carburant de la bourse, c’est la confiance. Si les cotations devaient continuer leur plongeon aux États-Unis, l’inquiétude pourrait dégénérer et céder la place à un sauve-qui-peut meurtrier qui affecterait Wall Street et, par contagion, toutes les places financières mondiales. Pour la banque privée JP Morgan, le risque d’une récession mondiale a grimpé à 60% ! La planète boursière est à portée de krach, surtout lorsque l’inflation qui va mécaniquement se mettre en place aux Etats-Unis commencera à produire ses effets.