Boycottons l’Iran !

par Bernard Attali |  publié le 11/11/2023

Les 2 et 3 novembre derniers le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a confié la présidence d’un de ses forums au représentant de la République islamiste d’Iran. Avec le vote du représentant de l’Union européenne. Une honte

Les Iraniens ne se cachent même pas. Ils envoient des missiles sur Israël à partir du Yémen et ils viennent d’attaquer Haïfa par l’intermédiaire du Hezbollah au sud du Liban. Jusqu’à quand allons-nous faire semblant de ne pas voir la responsabilité iranienne dans la tragédie actuelle du Moyen-Orient ?

On sait maintenant qu’ils ont incité le Hamas à attaquer à la frontière de Gaza avec l’espoir de briser l’élan qui commençait à se construire autour des accords d’Abraham. Objectifs : faire oublier leur ambition régionale et mobiliser la rue contre les gouvernements arabes, trop complaisants à l’égard de l’Occident… Avec le soutien sournois de la Russie et de la Chine cette stratégie diabolique est en passe de réussir.

De leur côté les démocraties continuent à promouvoir au Moyen-Orient une « solution à deux États ». Mais dans le vide. Bien sûr la politique de colonisation est condamnable en ce qu’elle méconnait les droits des Palestiniens. Mais si les États arabes – l’Iran en tête- avaient voulu deux États, ils auraient saisi la proposition de l’ONU en 1948 ou fait prospérer les accords d’Oslo en 1993. Le peuple palestinien avait le talent nécessaire pour réussir à Gaza et en Cisjordanie ce qu’ont réussi les Israéliens chez eux.

L’Iran est un enfer pavé de mauvaises intentions. Son régime obscurantiste impose une Charia rétrograde. Réprime toute manifestation dans le sang. Tue les jeunes femmes sans voile. Finance les organisations terroristes. Envoie ses milices attaquer les bases américaines en Syrie et en Irak. Soutiens la Russie contre l’Ukraine. Flirte avec la Chine. Et se dote patiemment de l’arme atomique. 

Faut-il que l’Occident soit bien lâche pour avoir laissé une telle menace prospérer sans vraiment réagir ? Les sanctions actuelles pénalisent le peuple iranien plus que ses dirigeants enturbannés. Combien d’attentats, combien de victimes faudra-t-il dénombrer pour réaliser que ce régime est une bombe à fragmentation aux frontières de l’Europe ? Je sais que les interventions militaires en Irak et en Afghanistan ne furent guère des succès. Est-ce une raison pour attendre que le ciel nous tombe sur la tête ? Il faut apprendre de nos erreurs passées, sans se laisser paralyser par elles. Pour le coup, ce régime mortifère va bientôt disposer d’une arme de dissuasion massive ! La pire.

Parfois nos dirigeants me font penser aux malheureux inconscients qui sont allés danser à portée de fusil à la frontière de Gaza ! 

Cette relative mansuétude à l’égard de l’Iran est le symptôme d’une longue maladie. L’Occident s’est à la fois égaré et endormi. Côté américain, il s’est égaré dans les aventures irakiennes ou afghanes. Et côté européen nous nous sommes assoupis en troquant nos valeurs pour un confort trompeur. Ensemble nous avons cru que l’histoire s’arrêterait parce que, fatigués, nous espérions en sortir sans bruit. Seulement voilà l’Iran et d’autres, pour soigner leur propre frustration, ne nous reprochent pas ce que nous faisons ; ils rejettent ce que nous sommes.

Quand son pays fut obligé de réagir par les armes à une attaque arabe, Golda Meir a dit un jour : « Je préfère les condamnations aux condoléances ». On ne choisit pas plus ses ennemis qu’on les attendrit avec des ours en peluche et des bougies. Certes, le respect du droit de l’homme et le principe d’humanité doivent rester notre ADN. Mais précisément ces valeurs mériteraient que l’on se défende contre la barbarie avec autre chose que des bons sentiments. N’est-il pas étrange que de Kiev à Jérusalem les démocraties ne se battent que par personnes interposées ?

Il ne s’agit évidemment pas de préconiser ici une intervention en Iran. Ce serait folie. En revanche il devient urgent que tous les pays démocratiques sortent de leur propre ambiguïté et cessent absolument tout commerce, diplomatique, économique, politique, avec ses dirigeants. Un boycott réellement efficace.

C’est dans ce contexte qu’il nous faut aujourd’hui repenser le défi des régimes qui, comme l’Iran, ne sont animés que par des pulsions de mort. En Ukraine comme en Israël, c’est nous qui sommes attaqués.

Bernard Attali

Editorialiste