Rachida Dati taille dans la culture

par Jérôme Clément |  publié le 26/04/2024

La restriction des budgets menace le spectacle vivant… alors que le public en redemande !

Inauguration par Rachida DATI, ministre de la Culture, de Rejouer 100 ans de Jeux olympiques en France, exposition hors les murs des Archives nationales,à Paris, le 22 avril 2024- Photo Daniel Dorko / Hans Lucas

Au retour des vacances 2023, Rachida Dati, nouvelle ministre de la Culture, annonçait triomphalement une hausse de ses crédits de 6 %, soit 241 millions supplémentaires. Six mois plus tard, restrictions budgétaires : 200 millions en moins, amputent principalement la création et le patrimoine. Rappelons que le budget de la Culture ne représente que 0,8 % du budget total de l’État, loin du 1 %, objectif revendiqué en 1981 atteint dans les années qui suivirent.

Six millions en moins pour l’opéra de Paris, cinq pour la Comédie-Française ; le Musée du Louvre, le mobilier national, le théâtre de la Colline ou celui de Chaillot sont fortement réduits par rapport à leur ambition culturelle et leur mission de service public. Une foule de petites compagnies, théâtres, scènes nationales (78) se trouvent déchirés entre le désir de culture ou de spectacles d’un public qui s’accroît et les moyens qui diminuent.

Certes, pendant l’épidémie de Covid, les moyens ont été maintenus alors que les salles étaient vides. Mais comment faire aujourd’hui alors que le public commence à revenir et manifeste son appétit de culture ? Augmenter le prix des places ? C’est se priver d’un public à faible revenu, et faillir à la mission de démocratisation. Obtenir plus de subventions ? Elles diminuent ou stagnent comme à Bobigny, le même financement qu’il y a neuf ans sans indexation sur l’inflation, contrairement à ce qui se passe en Belgique par exemple. Rechercher du mécénat privé ? Il ne se dirige pas vers le théâtre vivant ou les spectacles.

À l’automne 2023, les besoins du théâtre public s’élevaient à 30 à 40 millions supplémentaires. Résultat, 96 millions en moins. Stéphane Braunschweig, directeur du Théâtre de l’Odéon, en a tiré les conséquences, il n’a pas demandé le renouvellement de son, considérant qu’il ne disposait pas de marges artistiques suffisantes pour mener son projet à bien.

 Dans le même temps, le Pass culture est doté de 251 millions pour 2024 : aucune demande d’économie alors que personne n’a évalué son impact sur la consommation culturelle pour une politique axée sur la demande et non pas sur l’offre, seule garantie de l’innovation. Ne parlons pas des quelques centaines de millions consacrée à la restauration du château de Villers-Cotterêts, centre de la francophonie, il est trop tôt pour évaluer son utilité.

 « Tous les lieux aujourd’hui sont au bout du processus mené depuis plusieurs années pour rationaliser leur gestion et leur fonctionnement. Nous sommes pris en étau entre un besoin d’activité, un désir social très fort et des moyens limités » écrivait Hortense Archambault, directrice de la MC 93, dans un article très remarqué au journal le Monde.

Derrière ce constat se cache une absence totale de discours politique sur la Culture, autrefois interrogation fondamentale sur la finalité de l’homme dans la société, moyen d’épanouissement personnel, de réflexion collective et d’imaginaire, essentiel dans une époque particulièrement troublée qui a plus que jamais besoin des artistes et des lieux culturels pour essayer de répondre aux questions de notre temps.

« Quand une société perd les moyens de se comprendre et de s’imaginer avec vitalité, c’est bel et bien la démocratie qui s’effondre » écrivaient, en mars dernier, dans une pétition publique, 3570 artistes et acteurs de la vie culturelle.

Jérôme Clément

Editorialiste culture