Burkina Faso : la junte ne fait pas mieux que les Français

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 06/09/2024

La tuerie de Barsalogho au Burkina-Faso montre que les juntes africaines au pouvoir, enferrées dans des solutions purement militaires, sont impuissantes face au djihadisme. À l’instar des troupes françaises

Au moins trois cents morts et des dizaines de blessés : le 25 août dernier, à Barsalogho, le djihadisme a encore déployé son effrayante cruauté. Mais, après tant d’autres, la tuerie démontre aussi à quel point ce pays, dominé par la junte militaire du capitaine Traoré, est dans l’impasse face aux mouvements djihadistes.

C’est le GSIM, affilié à Al-Qaïda, qui a revendiqué cette attaque dans une localité proche de Ouagadougou, tenue pour l’un des derniers verrous avant la capitale. Ce massacre s’explique d’abord par le recours de plus en plus massif de l’armée burkinabée aux supplétifs dénommés Volontaires pour la Défense de la patrie (VDP). La mobilisation correspondante, très souvent mal vécue, a entraîné le recrutement de jeunes peu motivés, mal formés militairement et mal armés. Autant dire de la « chair à canon », ni désireuse, ni capable de résister à des troupes aguerries, et servant paradoxalement de troupes de « première ligne » aux forces armées de la junte. Les relations entre ces VDP et les populations locales ont souvent été conflictuelles, au point que les VDP se sont déjà rendues coupables de nombreuses exactions envers des civils.

Pour des raisons tactiques évidentes, les groupes djihadistes prennent grand soin de s’attaquer, non seulement aux forces armées officielles, mais aussi à tous ceux qui viennent les renforcer, notamment les VDP. Les groupes terroristes jouent sur l’assistance à des populations abandonnées par l’État, pour apparaître comme une alternative face à leurs problèmes quotidiens, tout en attirant les plus jeunes.

La stratégie du chef de la junte, qui consiste à creuser des tranchées autour de toutes les agglomérations, à la manière d’un camp retranché, n’a guère donné de résultat. « Creusez ! », tel est le mot d’ordre de Traoré et de son état-major. Mais « creusez vous-même », enjoint-il aux populations villageoises, ou vous ne pourrez vous en prendre qu’à vous si vous êtes attaqués. En clair, face à un djihadisme de plus en plus endémique, qui apporte son soutien aux populations abandonnées par l’État, la junte prône une lutte populaire dont le fer de lance serait constitué par ces VDP bien démunis, laissant aux populations le soin de creuser elles-mêmes les tranchées censées assurer leur défense, aux risques de creuser en même temps leurs propres tombes.

Les témoins sont nombreux à décrire la pression physique, exercée par les autorités militaires et les VDP sur les civils pour les forcer à creuser ces tranchées, à la manière d’une corvée moyenâgeuse. De même, ils sont nombreux, vidéos à l’appui, à retracer le massacre, soulignant que les militaires et les VDP présents auraient fui dès le début de l’attaque, laissant seuls les villageois face aux agresseurs. Autant de villageois pris entre le marteau de la menace djihadiste et l’enclume de la brutalité des forces armées officielles.

En ce sens, la junte commet elle aussi l’erreur de croire que seule une solution militaire endiguera la progression djihadiste, une erreur déjà commise par les Français, et imitée au Mali comme au Niger.

Jean-Paul de Gaudemar

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