Cahuzac: «Tous pourris!»

par Laurent Joffrin |  publié le 27/11/2023

L’ancien ministre du Budget fraudeur a recouvré sa qualité de citoyen comme un autre. Est-ce suffisant pour jeter l’opprobre sur ses anciens camarades et sur la politique en général ?

Laurent Joffrin

Entretien franchement lunaire avec Jérôme Cahuzac sur France Inter. « J’ai payé ma dette à la société, dit-il en substance, mes droits sont rétablis. » L’ancien ministre du Budget avait un compte illégal à l’étranger, alors qu’il était chargé, ès-qualité, de lutter contre la fraude fiscale et qu’il la flétrissait avec énergie dans ses discours publics.

Débusqué par Mediapart, il avait nié sans ciller, mentant à ses pairs du gouvernement, au président de la République, à l’Assemblée nationale en séance publique et, au bout du compte, à la France tout entière. Confondu par la justice, il avait avoué sa faute, démissionné de ses fonctions et écopé de quatre ans de prison, dont deux avec sursis, cinq ans l’inéligibilité et 300 000 euros d’amende, causant un scandale majeur nuisible à l’image de la classe politique en général et à la gauche en particulier, nécessairement éclaboussée par le parjure d’un ministre socialiste à la grande notoriété.

La première partie de son plaidoyer est recevable. La prison a pour but la rédemption autant que la punition ; une fois sa peine purgée, le condamné retrouve sa qualité de citoyen comme un autre ; il ne saurait y avoir de bannissement à vie ou de stigmate éternel : c’est la philosophie même du droit pénal. Cela intronise-t-il Cahuzac professeur de morale ? Toute la question est là.

Chacun sa vision, dit-il, citant Emmanuel Kant dans une confuse dissertation métaphysique. Et de relativiser son cas en accusant ses anciens camarades de la gauche des mêmes turpitudes que lui. Sophisme grossier. François Hollande avait prévu la baisse du chômage, accuse Cahuzac, elle ne s’est manifestée qu’à la toute fin de son mandat. Mensonge ? Ou bien erreur de prévision ? Les deux choses sont de nature différente. Et si Hollande savait que le chômage n’allait pas baisser, pourquoi a-t-il subordonné son sort politique à cet indicateur ? Accusation gratuite, donc, que rien ne confirme.

La Nupes, dit-il encore, a été conclue pour sauver des sièges. Mensonge ou erreur ? Ce n’est pas la même chose. Les socialistes ne se cachent guère d’avoir voulu « sauver les meubles » en concluant cet accord. Ils l’ont même dit publiquement. On peut déplorer une alliance qui donne le beau rôle à LFI et Jean-Luc Mélenchon, ce qui se vérifie de mois en mois et que les électeurs jugeront souverainement. Mais où est la tromperie ? Et surtout, quel rapport, franchement, avec un ministre du Budget qui fraude le fisc, tel un pompier pyromane ou un policier cambrioleur ? Cahuzac confond volontairement faute politique et faute pénale.

J’ai menti, dit-il, mais tout le monde ment. Tous pourris, donc. Si tel est le cas, c’est la démocratie elle-même qui doit être jetée aux orties. Craignons que ce soit le message entendu par les électeurs… Ministre fautif, Cahuzac est un bon médecin. C’est une carrière honorable : il y sera nettement mieux que dans ce monde politique qu’il entraîne avec lui vers le bas.

Laurent Joffrin