Cinéma ou le prêt à filmer
Le luxe et la mode envahissent les écrans. La raison ? Le pouvoir de l’argent…
Donc, palme d’or pour Sean Baker, avec Anora , film qui raconte les tribulations d’une travailleuse du sexe dans l’Ouest américain. Il n’y avait pas eu de récompense pour un réalisateur américain depuis 2011. Audiard a reçu deux prix pour Emilia Perez. Un palmarès riche, un film indien et un iranien, des films venant de tous les horizons.Le monde d’aujourd’hui. »
Et pourtant il y avait pléthore de films dans les différentes sections, de plus en plus nombreuses, du Festival. Une très grande diversité provenant d’Amérique latine, d’Afrique ou d’Asie, fictions et documentaires, tous intéressants, par la richesse et la variété des thèmes abordés. Politique avec Limonov de Kirill Serebrennikov, drogue et violence, signe des temps, avec L’amour ouf » ou Eat the night de Caroline Pogg.
Une profusion de films traitant du surnaturel, de l’irréel, fantasmes ou réalités, voire « gore » de réalisateurs(trices) connus ou inconnus. D’innombrables premiers films, beaucoup de femmes dans les sections parallèles moins en officielle. Mention particulière, toutefois, pour Les filles du Nil, documentaire égyptien : des jeunes femmes coptes voulant s’émanciper grâce au théâtre.
Un festival fondamentalement utile. « Cannes, c’est aussi cela, de furtives connexions entre des mondes qui ont peu de chances de se croiser », ai-je lu quelque part.
On rappelle beaucoup cette année les circonstances d’urgence dans lesquelles fut décidée la première édition de 1939, créée à l’initiative de Jean Zay, en réaction à la Mostra de Venise, contrôlée par les dictatures fascistes et nazi. La guerre empêcha qu’il ait lieu, à quelques jours près. Le monde est là, à nos portes, aux bords de notre Méditerranée, et il s’invite sur les écrans d’une façon ou d’une autre.
Tout est toujours politique. Cette année, c’est l’emprise, de plus en plus évidente, des grandes marques de la mode, du luxe qui font une irruption remarquée dans la production. Saint-Laurent, Chanel, financent Christophe Honoré, Coppola, Audiard, Cronenberg, tous en sélection officielle. Et ça se voit : Parthenope de Sorrentino, sans grand intérêt, met en en scène une très jolie femme, qui cherche sa voie dans une villa familiale luxueuse, située dans la baie de Naples, prétexte à étalage de tenues vestimentaires plus ou moins extravagantes sorties tout droit de chez Saint-Laurent. L’argent s’infiltre, s’empare et s’impose avec les GAFA pour financer des réalisateurs, qui expriment leurs désarrois, leurs espoirs, et l’extrême violence de la société.
Cela a-t-il toujours été ainsi ? Oui, bien sûr, mais les écarts se creusent, et les sociétés se disloquent. Cannes, toujours, vitrine et bulle à la fois.