Carburant : le camouflet des géants de la distribution au gouvernement
Les professionnels de la distribution de carburants se désolidarisent du gouvernement qui voulait inciter à vendre à perte
Plus qu’un coup d’épée dans l’eau, c’est un affront ! Carrefour, Leclerc, Intermarché et Système U ont renvoyé Élisabeth Borne et Bruno Le Maire à leurs études sur l’autorisation de vente à perte de carburant. Pour ne pas être contraints de compenser le manque à gagner aux pompes par des hausses sur d’autres produits, ils en refusent tout simplement le principe.
Avant eux, les exploitants indépendants de stations-service ont aussi écarté un projet qui les aurait condamnés, malgré la création d’une hypothétique caisse de compensation. Sans parler de la fermeté de TotalEnergies, qui a seulement accepté de plafonner les prix à 1,99 euro au-delà de la fin de l’année. Le camouflet des champions de la grande distribution est cinglant.
Mais comment qualifier la méthode du gouvernement, apparemment désemparé, dans la gestion d’un dossier à fort potentiel explosif ?
Politique de gribouille
Pour demander des efforts à des acteurs économiques sans vouloir les imposer, il aurait fallu s’assurer que les mesures soient acceptées par les principaux intéressés, et en négocier les conditions, avant… de les rendre publiques. Ce ne fut pas le cas.
Bien sûr, un gouvernement a toute légitimité d’imposer des décisions sans obtenir l’aval de ces mêmes acteurs. Dans ce cas, il prend ses responsabilités sans chercher à se défausser sur eux, et en assume les conséquences. Mais comment obliger des commerçants à travailler à perte ? Une chose est de mettre en avant un produit d’appel à prix cassé pendant une période très encadrée comme les soldes ; une autre est de s’engager sur un semestre sans savoir comment évoluera le prix du baril et s’il faudra poursuivre la vente à perte au-delà.
« C’est non ! »
Enfin, il y a la dimension politique. Un gouvernement qui revendique haut et fort son libéralisme ne peut pas intervenir autoritairement sur les prix. Sinon il risque de subir les assauts des adversaires des tarifs administrés… qui sont justement ses alliés politiques.
Mais comment se revendiquer libéral et imposer des mesures qui transgresseraient les dogmes de l’entreprise ? La contradiction serait totale avec les autres choix d’Emmanuel Macron en faveur de ces entreprises. Donc, pas de contrainte.
Et alors ? « C’est non ! », ont réagi tous les acteurs du commerce de carburant, renvoyant l’État à ses responsabilités. Et à d’autres dispositions, comme la baisse des taxes. Mais l’État doit gérer cette année une charge budgétaire de 51 milliards d’euros générée par une dette publique colossale. Et le ministre de l’Économie ne veut pas amputer une ressource fiscale qui rapporte quelque 41 milliards par an.
Le gouvernement ne peut s’engager dans cette voie alors que personne ne peut anticiper l’évolution du marché pétrolier, les rapprochements de la Russie, l’Iran, l’Arabie saoudite d’un côté et de la Chine et l’Inde de l’autre modifiant les équilibres sur ce marché au détriment des pays occidentaux… aujourd’hui bien désarmés.