« Cela nous oblige »

par Yoann Taieb |  publié le 14/10/2023

Novlangue. De Newspeak, George Orwell, « 1984 ». Langage convenu et rigide destiné à dénaturer la réalité

Selon les définitions, « obliger » peut se comprendre de plusieurs manières. Les plus courantes sont : « mettre quelqu’un dans l’obligation de faire ou de dire quelque chose » ou « lier quelqu’un par un contrat, une promesse financière ou morale ». Cette dernière est la plus utilisée par nos politiques dans leurs déclarations.

Désormais, tous se sentent « obligés » :  par un vote, par une décision à prendre ou un comportement à assumer. C’est une façon pour eux de dire qu’ils ne font pas ce qu’ils veulent et qu’ils doivent rendre des comptes. Un bon mot, un joli mot français qui sonne bien,  pour dire qu’ils sont toujours « connectés avec le réel » à l’écoute de leurs concitoyens.

Florilège des « obligations ». En 2012 après la victoire des socialistes, Martine Aubry, alors première secrétaire, disait que « la confiance des Français nous honore et nous oblige » dans le sens où François Hollande avait fait de grandes promesses et qu’il n’était pas question de décevoir les Français. Lors de l’assassinat du colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame, qui s’est sacrifié lors de la prise d’otages dans le Super U de Trèbes, Laurent Wauquiez, candidat putatif de la droite pour 2027, déclarait qu’« un héros, ça nous oblige. Il a donné sa vie (…) pour arrêter l’avancée de l’intégrisme islamiste… »

Emmanuel Macron réélu président en 2022 savait que sa victoire… « l’obligeait ». À quoi ? « Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême-droite ».

Nos politiques pourraient utiliser d’autres mots : « cela nous engage », « nous lie » ou « ce vote est la démonstration que je dois faire ceci ». Mais utiliser le terme « obliger » permet d’envoyer un message. Le mot dit que la personne n’a pas d’autre choix que d’effectuer ce pour quoi elle est élue. Histoire de rassurer des électeurs qui ont toujours peur d’être trompés. Sans que cela garantisse, bien sûr, la réalisation des promesses.

Yoann Taieb